Emmanuel Ganse, pour que leurs voix comptent

Article : Emmanuel Ganse, pour que leurs voix comptent
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29 janvier 2021

Emmanuel Ganse, pour que leurs voix comptent

L’égalité hommes-femmes est l’un des défis que doit relever notre société moderne. On en parle parfois et on laisse les activistes et les féministes s’égosiller et réclamer l’égalité par divers canaux. Le Forum Génération Egalité sera une tribune pour porter les voix des femmes et des filles du monde entier. Afin de donner un écho aux besoins que rencontrent les femmes d’Afrique, l’initiative Nos Voix Comptent est née. Elle est portée par un consortium de partenaires dont la Fondation Batonga, le Global Fund for Women et le Fonds XOESE. Elle consiste à recueillir les voix des femmes du Bénin et à les transmettre à ce forum. Emmanuel GANSE est blogueur, web-activiste, chargé de communication de l’Association des blogueurs du Bénin et consultant de Nos Voix Comptent. Il nous explique dans cet interview les tenants et les aboutissants de cette initiative ainsi que les consultations auxquelles il a pris part.

Cet interview est disponible dans le podcast Parce Que Leurs Voix Comptent ici

Emmanuel ganse
Emmanuel, comment es-tu arrivé dans cette aventure Nos Voix Comptent ?

Il y a quelque mois, au début de l’initiative en Afrique francophone, des webinars avaient été organisés pour communiquer autour. Lors d’un de ces webinars, je me suis tout de suite senti concerné, parce que cela correspondait avec ma volonté de travailler pour assurer un monde égalitaire et plus juste pour les femmes. J’ai pu faire des suggestions durant ce webinaire afin d’atteindre le maximum de femmes possible.

La campagne consiste en elle-même en un sondage en ligne, or tout le monde n’a pas accès à internet. Je suis très heureux qu’avec l’Association des blogueurs du Bénin, nous puissions nous déplacer vers ces femmes, les écouter, leur parler dans les langues locales. Cela nous permet de savoir les problèmes qui les minent et comprendre l’impact que la COVID-19 a eu sur elle. Pour tout projet œuvrant à l’amélioration des droits des femmes, il faut évaluer les besoins de celles-ci avant de mettre en œuvre des actions.

Dans quelle localité étiez-vous ?

Nous nous sommes rendus dans quatre localités précisément. Premièrement, nous étions à Pahou, un arrondissement de Ouidah, à la rencontre des filles de 18 ans et plus, élèves du CEG Pahou. Nous avons discuté avec elles des défis auxquels elles font face dans leur quotidien. Nous avons évoqué leur droit à disposer de leurs corps, de l’utilité des nouvelles technologies dans la promotion de l’égalité filles-garçons. Certaines ont par exemple soulevé que la COVID-19 a provoqué leur échec scolaire. Ensuite, nous sommes rendus à Cococodji au CEG Le Méridien. Nous y avons rencontré des filles qui se sont confiées sur leurs problèmes et leurs difficultés. Ces filles aspirent à l’autonomisation, et en ont marre de se voire chosifier et de lire des blagues sexistes sur internet.

emmanuel ganse à Cococodji
Emmanuel Ganse durant une consultation à Cococodji

Avant de venir à Sô-Ava, nous nous sommes rendus au Cours Secondaire Baptiste, où les filles ont clairement exprimé leurs besoins en informations sur leurs droits sexuels et reproductifs. A Sô-Ava, nous avons rencontré cette fois des femmes plus âgées, qui nous ont touchées. Les rencontrer nous a rappelé la nécessité de se rapprocher de ces femmes, pas tout le temps présentes sur les réseaux sociaux. Il y a des veuves qui à cause de la COVID-19 ont dû cesser toute activité. C’est dire qu’au delà des conséquences sanitaires liées à la crise du coronavirus, il y a une dégradations des conditions de vie de la femme.

Emmanuel ganse à Sô-Ava
Emmanuel Ganse s’adresse aux femmes de Sô-Ava

Il y en a qui ont évoqué les difficultés rencontrées par les jeunes filles en apprentissage, très vite engrossées par des jeunes hommes. Une d’entre elles m’a marqué : elle suggérait que les élus prennent des dispositions légales pour réellement punir ceux qui mettent enceinte des femmes, et qui abandonnent ces grossesses par la suite. Le véritable problème est que des lois existent contre les auteurs des abus sexuels. Ses propos sont une invitation pour le gouvernement à réellement mettre en application ces lois-là. A penser des projets pour que ces hommes-là sachent ce qu’ils risquent quand ils s’adonnent à ce genre d’abus.

Ecouter le Podcast qui retrace les consultations de Nos Voix Comptent
Que ce soit à Pahou, Cococodji, Wologuèdè ou Sô-Ava, tu as évoqué le fait que les femmes avaient également subi l’impact de la COVID-19. Quel est le lien entre cette campagne pour l’égalité femmes-hommes et l’impact de la COVID-19 ? Pourquoi est-ce que cette question est si récurrente ?

Il y a trois points sur lesquels nous devons les écouter lors de ces consultations : leurs priorités, leurs besoins et l’impact de la crise du coronavirus. Vous devez avoir remarqué que les choses sont allées sans dessus dessous avec l’avènement de la crise du coronavirus. La leçon que le monde a tiré du coronavirus et qui justifie la présence de ce volet dans nos consultations est la nécessité d’être résilient. Je disais tantôt que des femmes qui avaient des activités génératrices de revenus se sont retrouvées du fait de la COVID-19 sans activité. Il apparaît important d’apprendre à ces femmes et à ces filles d’être résilientes pour pouvoir réussir et poursuivre leurs activités.

emmanuel ganse à cococodji
Elève du CEG Le Méridien – Cococodji

Le gros challenge que nous souhaitons relever en les questionnant sur l’impact de la COVID sur elles, est de voir leurs difficultés et de penser au lendemain du Forum Génération Egalité des projets atténuant ces difficultés. Il faut à travers cette résilience réinventer nos activités, bâtir un nouveau monde à travers toutes et tous résilients, nous pourrons nous adapter à ce type de crises. Quoique l’on dise, c’est une question qui impacte beaucoup de femmes. Est-ce qu’on se contente d’observer cette maladie dégrader la situation des femmes ou est-ce qu’on aide ces femmes à se relever et à ne pas se laisser affaiblir et à développer de nouvelles méthodes pour pérenniser ces activités ? Voilà ce qui justifie cet accent mis sur l’impact de la COVID 19.

De tout ce parcours, quelles sont les priorités qui sont ressorties le plus de ces échanges avec ces femmes et ces filles ?

Dans la plupart des collèges que nous avons parcourus, il y a une thématique qui a beaucoup intéressé les jeunes filles. C’est la question liée au droit des filles à disposer de leurs corps. Cela inspire directement des formations à l’endroit des filles et aussi pour les garçons afin qu’ils ne voient pas les filles comme des objets sexuels. C’est le besoin de changer le regard sur la femme. Il faut travailler sur le fait que les femmes dans nos sociétés soient vraiment libres. Si la femme est autonome et qu’elle a de quoi vivre sans tendre la main, elle pourra mieux se défendre et éviter des situations qui la rend plus vulnérable. Il urge qu’on pense des projets, des initiatives, des activités à ‘endroit des filles de ces localités pour les aider à s’autosuffire, à conduire des initiatives sans craindre le regard des autres.

Ce qui me paraît également comme une priorité évidente, surtout à Sô-Ava, c’est la question de l’autonomisation qui est incessamment revenue. Il y a plusieurs activités génératrices de revenus qu’il faut encourager dans ces localités. Il faut désengager les communes mondaines et s’intéresser aux localités reculées en leur apprenant à mener de ce genre d’activités pour gagner leur liberté financière. L’autre chose qui me paraît importante, c’est penser à la vulgarisation des lois contre les abus sexuels, le harcèlement sexuel, le mariage forcé… Elles l’ont reconnu : ces pratiques existent encore dans des localités à proximité. Il faut que ces localités deviennent des cibles prioritaires dans les stratégies de plaidoyer élaborées pour apporter un mieux-être à la femme et à la fille béninoise.

A quoi doit-on s’attendre maintenant après ces consultations ? Quelles sont vos attentes du Forum Génération Egalité ?

Moi j’attends que les voix de ces femmes et filles soit véritablement entendue et comprise. Nous espérons qu’à travers le plaidoyer qui sera mené par Angélique Kidjo, qu’il y ait de véritables changements après le Forum Génération Egalité. Que ces décisions qui y seront prises aient un impact direct sur ces femmes et ces filles. C’est en prenant en compte leurs voix et leurs priorités que ces femmes verront que ceux qui sont venus leur tendre le micro ont réellement transmis leurs besoins.

J’espère qu’aucune voix ne sera laissée pour compte durant ce Forum, que les données que nous transmettrons à travers les différents rapports seront utilisés à bon escient. Que ces femmes soient au cœur des plaidoyers qui seront faits, des projets et des stratégies de sensibilisation. On ne peut pas agir au profit d’une cible sans cette cible. On ne peut pas prendre des décisions qui vont impacter les femmes sans prendre en compte leurs voix. J’espère qu’au lendemain de ce forum, qu’il y ait plus d’améliorations et que le vrai changement prenne corps.

Si vous aussi, vous souhaitez contribuer à l’efficacité du Forum Génération Egalité 2021, je vous invite à remplir ce formulaire et à le partager avec les filles et les femmes de votre entourage afin que leurs voix soient entendues.

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