La salubrité à l’embarcadère de Ganvié : la mission pour laquelle Anas Seko mobilise les jeunes

Article : La salubrité à l’embarcadère de Ganvié : la mission pour laquelle Anas Seko mobilise les jeunes
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20 mars 2021

La salubrité à l’embarcadère de Ganvié : la mission pour laquelle Anas Seko mobilise les jeunes

Répondez sincèrement à cette question. Si vous deviez indiquer des lieux à visiter à des touristes qui n’ont jamais mis les pieds au Bénin, quels seraient-ils ? Je suis presque sûr que Ganvié fait partie de votre liste. Ganvié ou la Venise d’Afrique. Ce joyau qui fait la fierté du Bénin, est l’un des porte-étendards du tourisme et de la beauté de nos villages. Pourtant, ce joyau n’est pas suffisamment poli, que ce soit par les autorités ou par les riverains. L’état de l’embarcadère de Ganvié laisse vraiment à désirer. On l’appelle la Venise d’Afrique, mais elle ferait bien d’envier Venise pour sa propreté. Des déchets partout et des tas d’ordures géants. Le symbole de la pollution et de l’absence d’une politique d’embellissement.

Le pollution à l’embarcadère de Ganvié, à qui la faute ?

Et si nous étions tous responsables ? La pêche étant l’une des activités principales menées à Ganvié, un marché a lieu à l’embarcadère. Les déchets issus du nettoyage, du rinçage des poissons sont souvent rejetés dans la nature, sans oublier tous les autres déchets produits dans le marché. L’absence d’infrastructures de collecte de ces déchets explique ce phénomène. Même lorsque des infrastructures existent, leur fonctionnement constitue un autre problème. L’exemple type est le collecteur d’ordures implanté derrière le marché, qui est inutilisé alors que des déchets sont renversés à proximité. Outre la problématique liée à la collecte des déchets, c’est aussi ce semblant de citoyen béninois. C’est lui qui n’a pas cette conscience de se dire ‘ne jetons pas nos déchets dans la nature’. À partir du moment où tu ne jettes pas tes ordures dans la nature et qu’ils s’entassent chez toi, tu commences à chercher des solutions.

Anas Seko, un écocitoyen à l’initiative de la salubrité à l’embarcadère de Ganvié

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Anas Seko, un jeune militant écologiste, a décidé de mener une action citoyenne et de rendre l’embarcadère plus salubre. Depuis quelques mois, il a pris l’embarcadère de Ganvié pour cible. Son objectif : le nettoyer et le rendre attrayant. Il y mène plusieurs actions individuelles ou collectives. C’est toujours dans cette optique qu’il a organisé avec plusieurs autres militants une campagne de salubrité à l’embarcadère de Ganvié le 13 mars dernier. Malgré les nuages qui s’alourdissaient, plusieurs citoyens et riverains ont répondu à l’appel d’Anas Seko. Et je n’ai pas manqué de me priver d’une grasse matinée pour y être également. C’est au rythme de la bonne musique que les travaux ont débuté. Armés de balais, de houes, et de râteaux, les participants à la campagne ont nettoyé l’entrée de l’embarcadère et un espace qui servait de dépotoir à ciel ouvert aux vendeuses du marché.

Je vous propose de revivre en sons cette campagne de salubrité et d’écouter Anas Seko expliquer son combat sur Anchor, Spotify, Deezer ou Google Podcasts

Concommitamment, d’autres bénévoles présents s’occupaient d’oeuvrer à l’embellisement de la porte d’entrée de Ganvié.

Nettoyer, mais aussi embellir

Ce groupe s’est occupé du recyclage de pneus usés, qui ont été jetés à proximité de l’embarcadère. Ces pneus ont d’abord été découpés, puis peints en différentes couleurs. Les pneus découpés ont ensuite été rempli de terreau et munis chacun d’un plan de fleurs. L’arrosage habituel a clôt l’implantation de ces plans à des endroits stratégiques. Cette technique, revendiquée par Anas Seko, représente un moyen de conserver la propreté des espaces nettoyés.

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« Il faut des actions citoyennes, de l’indignation et de l’engagement des citoyens. Il ne s’agit de nettoyer et de s’en aller. On essaie de rendre l’espace plus attrayant. »

Donald, l’un des participants à cette campagne et qui s’est surtout occupé de l’embellissement, confirme et réaffirme la nécessité et l’importance d’embellir ces espaces, une fois qu’ils sont nettoyés.

« Le tout ne suffit pas de rendre salubre le lieu, il est important également de valoriser ce lieu »

Donald AKOUTEY – Agro écologiste

Mener des actions pour la salubrité de cette envergure est souvent salissant. On en a pour preuve les vêtements des agents des sociétés de nettoyage et de ramassage des déchets. Pourtant, Anas revendique le fait d’être « le ramasseur d’ordures le plus frais ». Rester propre et bien habillé tout en menant cette campagne, ainsi que toutes les autres reste son leitmotiv. Il nous explique mieux les raisons d’un tel choix.

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Faire passer un message à travers son habillement

« Je me fais appeler le ramasseur d’ordures pour faire taire les critiques de ceux qui me demandent pourquoi est-ce que je ramasse les ordures. J’adore la mode. Dans l’approche écologiste, c’est aussi pour passer un message à la population, à la jeunesse et pour attirer leur attention« , explique Anas. En effet, selon lui, il ne s’agit pas de se dire que parce qu’on est bien habillés ou qu’on est jeune, on devrait tenir compte du regard des autres pour ne pas ramasser des ordures. « Il ne faut pas qu’on soit influencés par la société au point d’oublier les choses les plus importantes. C’est pour cela que je me fais appeler le ramasseur d’ordures le plus frais tout simplement pour dire aux jeunes que je suis comme eux et que ça ne m’empêche pas de ramasser des ordures. »

S’il a décidé de rester toujours frais pour ramasser les ordures, il faut dire que ces actions nécessitent des coûts. Des coûts, qui pèsent sur Anas et son équipe.

De grandes actions avec de maigres moyens

« On reçoit parfois des dons des particuliers, pas du gouvernement. On sort parfois également de l’argent de nos poches. »

En ce qui concerne l’investissement public dans la protection de l’environnement, il faut remarquer la faiblesse de la part allouée à cette cause. Par exemple, le budget général de l’Etat de l’année 2021 prévoit environ 2% de son poids pour la protection de l’environnement. Encore que la grande majorité de ces fonds proviennent du financement extérieur. Même s’il faut remarquer l’harmonisation de la collecte des déchets avec la naissance de la Société de  Gestion des Déchets et de la Salubrité Urbaine du Grand Nokoué (SGDS-GN SA), il reste encore à généraliser ces démarches à l’ensemble du territoire national.

Les donations de particuliers adhérents à la cause environnementale sont certes utiles. Et on le voit bien dans le cas de l’embarcadère de Ganvié et d’Anas. Cependant, ces dons ne peuvent pas être le seul moyen de financer l’assainissement des espaces publics. C’est également de la responsabilité des collectivités locales de penser à mettre en place des mécanismes pour améliorer la collecte des déchets.

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Malgré toutes ces difficultés, Anas demeure optimiste sur le futur de l’embarcadère de Ganvié. Un optimisme qu’il généralise même au système d’assainissement au Bénin en général.

« Ensemble, nous y arriverons »

« D’ici cinq ans, je vois l’implantation d’un système de gestion des déchets très efficace : le transport, la collecte, l’élimination, la valorisation, le compostage, le recyclage… Je vois l’embarcadère vraiment très beau : un lieu très attrayant où tout le monde peut venir respirer de l’air frais »

Pour réaliser son rêve de voir l’embarcadère briller comme Venise, Anas est conscient qu’il faudra plus de jeunes dynamiques comme lui, engagés sur la question. Sur ce point, il n’est pourtant pas très optimiste quand on lui demande l’avenir du mouvement écolo au Bénin. Pour lui, « la jeunesse n’est pas engagée » sur la question de l’environnement. Il est clair qu’il faut travailler à inculquer aux jeunes le désir de maintenir les espaces publics propres. Pour y arriver, Anas utilise une communication plus juvénile, avec des termes parfois choquant pour interpeller les jeunes. On a pu lire sur les pancartes durant la campagne : « La nature te dit ‘Fuck You’  » ou « Ramasse Ta Merde« . Hormis cette prise de conscience nécessaire chez les jeunes, il faut mettre en place un réseau d’infrastructures d’hygiène de qualité. Comme l’a souligné un bénévole sur cette campagne de salubrité, « le manque d’infrastructures encourage certains à faire leurs besoins dans la nature ».

Ce que je retiens de cette campagne de salubrité

Participer à cette campagne de salubrité m’a permis de me rendre compte de deux choses. La première est que les actions citoyennes pour l’environnement ne sont pas de trop. C’est un devoir pour tous de protéger notre espace commun. La rue nous appartient tous. Donc, nous devons tout faire pour la maintenir propre. « La préservation de l’environnement n’est pas une question de goût personnel ». Cette initiative d’Anas Seko à l’embarcadère de Ganvié et son combat dans sa globalité est à saluer. La deuxième chose dont je me suis rendu compte est que les pouvoirs publics ne s’intéressent que très peu aux questions environnementales. Il faut que les mécanismes écologiques s’intègrent à tous les niveaux de l’échelle de gouvernance pour faciliter un développement durable.

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Commentaires

Houngbadji
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Je peux avoir votre numéro ?
C'est très urgent