L’Afrique, loin d’être épargnée par le scandale Pegasus

Article : L’Afrique, loin d’être épargnée par le scandale Pegasus
Crédit: Iwaria
24 juillet 2021

L’Afrique, loin d’être épargnée par le scandale Pegasus

Nous avons tous assisté, choqués, à la révélation du scandale Pegasus. Ce logiciel d’espionnage et de collecte de données et d’informations personnelles de masse a été utilisé par des Etats pour surveiller des journalistes, des militants et même des Chefs d’Etats. L’Afrique n’est pas épargnée par cette atteinte à la liberté d’expression, à la confidentialité des données et à la démocratie en général. Le contraire aurait été une surprise, tant le continent n’est pas un exemple dans ces matières. Le constat est qu’ici encore, les Etats Africains sont des acteurs. Vous comprendrez mieux au fur et à mesure de la lecture de cet article. L’indifférence relative des Africains (gouvernements soupçonnés et opinion publique) sur cette question montre à quel point on ne se rend pas compte de l’importance de la question.

Qui sont les potentiels Etats-espions d’Afrique ?

espionnage en Afrique Pegasus
Crédit : Forbidden Stories

On dit qu’il vaut mieux connaître son ennemi pour mieux l’apprivoiser. D’après Forbidden Stories, qui a révelé ce scandale, pas moins de sept Etats d’Afrique auraient eu recours à ce logiciel pour surveiller des journalistes. Il s’agirait de l’Algérie, du Maroc, du Togo, du Rwanda, de la RDC, de l’Ouganda et de l’Egypte. Sans surprise, on peut remarquer que certaines des cibles ont entre temps été condamnées, leurs familles menacées… Arrêtons-nous un instant pour nous demander les raisons d’un tel espionnage. Que cachent ces Etats ? Qu’ont-ils fait de si scandaleux pour espionner ces journalistes et activistes afin de les empêcher de parler ? Ce sont là les interrogations qui me traversent l’esprit.

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Aussi, le coût du déploiement d’un tel logiciel d’espionnage est colossal au regard des défis auxquels les Etats africains font face. Pourtant, l’acquisition de ces logiciels est priorisée à d’autres enjeux de développement. D’où la pertinence des interrogations précédentes : que veulent cacher ces Etats africains ou que cherchent-ils à faire ? On peut essayer d’y apporter une réponse en s’intéressant au profil des personnes ciblées par cet espionnage.

Les cibles africaines de l’espionnage au Pegasus

On peut remarquer que la liste des personnes ciblées par les Etats africains comporte des personnalités aux profils divers. On y retrouve des avocats, comme l’algérienne Zoubida Assoul, des acteurs de la société civile comme la Rwandaise Carine Kanimba ou le Togolais Père Pierre Marie Chanel Affognon, des défenseurs des droits humains comme le Marocain Omar Radi. Des journalistes viennent également s’ajouter à ces profils, aussi bien sur et en dehors du continent. On peut citer ici en exemple Edwy Plenel et Lénaïg Bredoux de Médiapart, un site d’investigation français. Je vous laisse simplement imaginer que le point commun entre toutes ces cibles est qu’elles ont des positions dissidentes avec les gouvernements des pays qui ont décidé de les espionner.

Mais, la mesquinerie de cet espionnage est encore plus poussée. Les Etats Africains sont arrivés à s’espionner entre eux. Le plus parlant est l’espionnage mutuel entre l’Algérie et le Maroc, sur lequel je reviendrai plus bas. Ce dernier, le Maroc, aurait même espionné plusieurs personnalités françaises. C’est presque le seul Etat africain à se retrouver dans la position d’espion et de cible. Car plusieurs membres de la famille royale marocaine, y compris le Roi Mohamed VI auraient été victime de Pegasus. L’arroseur arrosé.

L’espionnage d’Etat, une véritable filière africaine

Pour les habitués de l’actualité africaine, l’espionnage d’Etat en Afrique n’est pas vraiment une surprise. Espionner fait partie des méthodes que les Etats en Afrique ont souvent utilisé pour soutirer des informations aux opposants ou aux adversaires politiques. Ces espionnages ont ensuite conduit à des condamnations, des arrestations et des violations des droits de l’homme en tout genre. La Côte d’Ivoire a par exemple développé une tradition d’espionnage, transmise de Chef d’Etat en Chef d’Etat. On pourra également parler du Gabon. Même si ces Etats ne sont pas aujourd’hui cités dans l’affaire Pegasus, on comprend que ce n’est pas nouveau d’espionner sur le continent. Paul Kagame, actuel président rwandais, avait affirmé qu’il ne faisait que du renseignement, alors que son pays est aujourd’hui cité dans cette affaire. On serait presque tentés de se dire qu’ils se foutent de nous.

espionnage en Afrique Pegasus

En fin de compte, on fait quoi ?

On pourrait passer des heures et des heures à évoquer les problèmes et les risques autour de l’usage de Pegasus en Afrique. Entre les risques d’incidents diplomatiques, de tensions géopolitiques entre les Etats espions, l’usage à des fins inutiles de fonds destinés au développement… Bref, il n’y a aucun doute : les Etats africains impliqués dans ce scandale investissent dans une mission qui est dénuée d’intérêt. Surveiller ou espionner ses opposants n’est pas un enjeu de développement en Afrique. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. L’espionnage en Afrique doit sortir des habitudes des gouvernants. Il ne faut pas non plus sacrifier les quelques efforts démocratiques au nom d’intérêts particuliers. Nos dirigeants gagneraient à en tenir compte. En attendant, quelques conseils de cybersécurité ne seraient pas de trop pour vous prémunir contre d’éventuelles intrusions ne sont pas de trop.

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