Béninoiserie, la vraie signification d’un mythe ancré dans l’opinion
Béninoiserie : Si vous n’avez jamais entendu ce terme, je suis désolé de vous le faire découvrir. La béninoiserie est certainement l’un des termes les plus péjoratifs attribués aux béninois. « Médisance, croc en jambe, coup bas, sorcellerie ou même élimination physique, la béninoiserie est un véritable phénomène de société au Bénin. Forme paroxysmique de la jalousie, elle consiste à faire tout son possible pour empêcher un tiers d’évoluer. » Cette idée a pris de l’ampleur et s’est répandue, aussi bien au Bénin qu’au delà de ses frontières. « Ainsi, pour éviter d’être victimes de la “béninoiserie” de leurs compatriotes, ils (la diaspora) préfèrent rester à l’étranger pour servir leurs pays hôtes. » D’où vient cette expression et ce mythe sur la méchanceté des béninois ? Pourquoi est-elle complètement absurde et fausse ? C’est ce que je vais vous démontrer dans cet article, qui se veut une forme de fact-checking des caractéristiques attribués aux béninois sous le couvert de la béninoiserie.
Le mal n’est pas béninois, il est humain
Si l’on devait s’en tenir à la sémantique de la « béninoiserie », on dirait que le Bénin est le champion du mal. On pourrait même aller jusqu’à dire que si le diable avait une nationalité, il serait béninois ! Pourtant, mal se comporter n’est pas le propre du béninois, c’est le propre de l’humain. N’importe quel humain a ses forces et ses faiblesses, ses qualités et ses défauts. L’humain, par nature, est loin d’être parfait. Et le béninois aussi. Ce n’est donc pas logique d’amplifier ou de faire croire que le mal ne réside qu’au Bénin et que les béninois en sont les principaux dépositaires. Cette stigmatisation des béninois est d’une ignominie et d’un absurdité totale.
Au delà du fait que l’humain peut exceller dans le bon aussi bien que dans le mauvais, il faut aussi prendre en considération le fait que, souvent, les humains attendent tout de l’autre. Cette faculté qu’on a de vouloir imputer à tous les autres des devoirs et ne nous imputer à nous mêmes que des droits, contribue également à cette conception. Pourquoi refuse-t-on de vous aider ? Méritez-vous vraiment qu’on vous aide, qu’on soit poli et qu’on vous respecte ? Est-on obligé de le faire ? Etes-vous vous-même poli, serviable et respectable ? Il est important que, de temps en temps, on se remette en question soi même. Il faut se poser ce genre de question sur soi même pour éviter de faire porter aux autres la responsabilité de nos propres tares. Le terme de « béninoiserie » repose d’ailleurs sur des stéréotypes infondés.
Des stérotypes et des mythes qui n’ont aucune raison d’être
D’après les concepteurs de la béninoiserie, la sorcellerie fait partie des tares de la société béninoise. Cela est lié à l’implantation du vodoun et des religions endogènes au Bénin. Pourtant, la majorité des béninois pratiquent des religions monothéistes : le christianisme et l’islam notamment. Et même quand on évoque les religions endogènes, elles font partie de la culture et de l’identité de notre pays. Ce qui ne veut pas dire que tous les béninois les pratiquent. Ensuite, pour ceux qui en sont des pratiquants, il ne s’agit pas des sorciers autoproclamés du simple fait qu’ils pratiquent ces religions.
Autrement, on pourrait également dire que tous les chrétiens sont aussi des sorciers. Les miracles effectués par Jésus-Christ et rapportés dans les livres saints sortent de l’entendement humain. Multiplier les pains, transformer l’eau en vin et marcher sur l’eau ne sont-ils pas là des signes de « sorcellerie avancée » ? Pourquoi les chrétiens du monde entier ne sont-ils pas, eux-aussi, indexés et considérés comme des sorciers, du simple fait qu’ils vouent un culte à une religion, où des mystères se sont produits ? Si on ne fait pas aux chrétiens ce procès, il n’y a pas de raison de faire ce procès aux adeptes du culte vodoun, et plus généralement, à tous les béninois, c’est un raisonnement simple et logique.
La religion est avant tout une croyance personnelle. Chacun a le droit de se servir de sa religion pour se défendre et faire ses prières. En quoi un chrétien ou un musulman qui prie son Dieu afin de nuire son prochain et qui arrive à ses fins serait-il différent d’un adepte du vodoun qui fait la même chose ? Ils sont tous les deux pareils. La méchanceté n’est pas propre aux adeptes du vodoun ! Elle est propre à l’humain. Pour prendre un autre exemple, Harry Potter, le plus célèbre sorcier du monde (même s’il reste littéraire et cinématographique) existe. Et cela ne fait pas pour autant de son auteur ou de tous les britaniques des sorciers ou des magiciens. Tout ceci pour dire que le fait que le vodoun soit pratiqué au Bénin ne fait pas des béninois des méchants. Encore que ce n’est pas l’apanage des béninois.
Mettre des batons dans les roues n’est pas une habitude béninoise
Ici, je vous propose de consulter l’histoire et de se remémorer les moments clés de l’histoire du Bénin. Le Bénin est l’un des rares pays d’Afrique à n’avoir pas connu de guerre au lendemain des indépendances. Malgré toutes les dissensions qu’il a pu y avoir, ce n’est pas au Bénin que les génocides, les attentats, les vindictes populaires et les guerrillas ont eu lieu. Malgré cette supposée méchanceté et cette haine que les Béninois cultiveraient entre eux, ils ne se sont jamais levés pour s’entretuer. Pourtant, ce n’est pas les moyens qui manquent. On n’aurait même pas eu besoin d’armes, tellement nous détenons des forces mystiques qui pourraient servir à nous éliminer les uns les autres en toute discrétion.
Mais il faut bien admettre la réalité : il ne s’est rien passé de tout cela. Au contraire, le dialogue et la recherche du consensus dans les situations critiques ont caractérisé et marqué l’histoire de notre pays. On en a pour preuve l’historique conférence des forces vives de la nation de février 1990. Depuis l’avènement du renouveau démocratique, toutes les transitions électorales ont connu le succès. On pourra ajouter les dernières joutes électorales tendues dans le pays, malgré tout, rien de cette méchanceté gratuite et de cette haine n’a été mise en œuvre. Et la politique n’est pas le seul domaine où le génie collectif béninois s’est exprimé.
Le génie collectif béninois, tout le contraire de la béninoiserie
Il paraît toujours au sens de cette expression que le béninois n’aime pas évoluer et collaborer avec ses frères. Les retarder, leur nuire et les empêcher d’atteindre leurs objectifs seraient sa raison d’être. Pourtant, de nombreuses réussites « made in Benin » se sont construites en groupe, en équipe avec des béninois issus de tous les coins de notre pays. L’un des exemples les plus emblématiques et les plus récents est notre équipe nationale de football. Elle a réussi à se qualifier pour les quarts de finale de la Coupe d’Afrique des Nations 2019. Les joueurs de cette équipe viennent de tout le Bénin, de Steve Mounié le parakois à Jodel Dossou de Dassa-Zoumè en passant par Khaled Adenon de Za-Kpota. Ces béninois, s’ils n’avaient pas un esprit collectif et l’envie de défendre les couleurs de la patrie, auraient-ils réussi cet exploit ?
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On peut encore prendre comme exemple le « Benin International Music », ce groupe de béninois qui fait la fierté de notre pays à l’international. Si nous étions incapables de collaborer et de travailler ensemble, cette bande aurait-elle pu exister ? Et les exemples peuvent se multiplier avec les entreprises à succès de notre pays. Elles fonctionnent grâce à des béninois qui s’activent et collaborent à les faire prospérer. Mieux, ceux qui sont aujourd’hui des modèles de réussite dans le monde et qui viennent du Bénin, n’auraient pas ces traits caractéristiques ? Pourquoi ont-ils réussi à se fondre dans la masse et à faire germer leur talent à l’international ? On peut ici penser à Angélique Kidjo, à Djimon Houssou, Marie-Cécile Zinsou et bien d’autres.
Certains ressortiront l’argument selon lequel on ne devrait pas considérer ces cas et qu’il s’agirait plutôt d’exceptions. Mais cette perception erronée du Bénin s’entretient par certains facteurs qu’il n’est pas inutile de corriger.
Ce qui entretient le mythe autour de la béninoiserie
Les réseaux sociaux sont utilisés partout et c’est là aussi que la réputation de la béninoiserie prend forme. Le premier facteur est la pléthore d’arnaqueurs qui se dissimulent sous la nationalité béninoise et sous le titre de marabouts. Ces comptes sont présents partout sur Facebook. Ils proposent des services de charlatanisme à tout va et sous tous les posts. Si bien que tout le monde croît que le métier le plus exercé au Bénin est celui de marabout. Le second facteur, c’est la banalisation des références à la béninoiserie. On retrouve de plus en plus, dans les capsules humoristiques, des références qui ne servent pas la déconstruction de ces mythes. Et elles sont visionnées des centaines de milliers de fois, partout dans le monde, et contribuent à entretenir ce mythe.
Loin de moi l’idée de demander aux créateurs de ne pas évoquer des références qui existent dans nos sociétés. Mais, il ne faut pas les grossir et les exagérer, ce qui pourtant arrive souvent. Signaler et reporter les faux comptes de marabouts béninois, redorer l’image de notre culture et de nos valeurs dans les films et les séries fortement diffusés sur internet… voilà entre autres des actions à mener pour changer cette perception. Retenons que la béninoiserie est tout sauf ce que vous avez pu lire au début de cet article. Ce sont là des caractéristiques qui peuvent correspondre à n’importe qui à un moment donné de sa vie. Du coup, dire que ces traits ne sont propres qu’aux béninois relève de l’incohérence. Je dirai également que la béninoiserie, la vraie, c’est le partage, la vie dans la différence, le dialogue malgré les discordes.
Béninoisement votre.
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