Les « béninismes » ou quand les langues locales influencent le français
A chaque fois qu’on évoque une langue, on a souvent tendance à parler de l’influence qu’elle a sur les autres langues et inversement. On parle souvent des anglicismes « business » ou « cool » en français ou des gallicismes de l’anglais comme « good camaraderie » ou « chef »… Ces influences inter linguistiques ne sont pas propres aux langues occidentales. En Afrique aussi, les langues s’impactent les unes les autres et s’influencent. Dans cet article, je m’intéresse à l’influence des langues locales béninoises sur la langue française telle qu’elle est parlée au Bénin. On parlera de « béninismes » pour se référer aux populaires anglicismes.
C’est quoi un béninisme ?
C’est un mot ou une expression qui s’utilise dans une des langues locales parlées au Bénin. Pour précision, il n’y a pas moins de soixante langues parlées au Bénin. Il s’agira généralement de mots issus de la langue fon, qui est la langue la plus parlée du pays. Ce mot ou cette expression influence la langue française dans sa pratique au Bénin. Si cette définition de ce que j’entends par « béninisme » n’est pas assez explicite, ce n’est pas bien grave. Les exemples de béninismes courants qui suivent suffiront certainement à vous faire comprendre ce dont il s’agit.
Ces mots que le français emprunte à nos langues locales
Tout comme les anglicismes, il y a des mots qui existent dans nos langues locales, et qui se transposent dans l’usage quotidien de la langue française. Quelques exemples s’imposent pour justifier cette remarque. C’est sans doute l’exemple le plus évident et le plus représentatif : zemidjan. Ce mot désigne les conducteurs de taxis-motos et convenez avec moi qu’il est plus simple de dire zemidjan ou zem ou kekenon. Le mot zem s’emploie donc comme un mot français. C’est le cas également pour des mots comme boumba.
La gastronomie est sans nul doute le domaine dans lequel on peut rencontrer le plus grand nombre de mots provenant de langues locales, employés en français. On en a pour preuve les célèbres « doko » pour désigner les beignets, le toubani ou le « wassa wassa » (dendi), le atassi sans oublier les différentes sauces pour accompagner pâte et igname pilée. Mantindjan, fon tètè, assrokouin, tchayo, ikyion (yoruba).
S’il y a des mots qui n’ont pas d’équivalent en français et qu’on utilise tout simplement dans leur forme consacrée en langue locale, il y a certaines expressions, qui pour répondre à la « francisation » sont traduits mot-à-mot.
Ces expressions qui ne sont que du mot-à-mot
Ces expressions sont tout simplement des traductions littérales d’expressions utilisées dans les langues locales. Elles donnent naissance de nouvelles expressions françaises, au point de jeter aux oubliettes les plus populaires d’entre elles.
Il y a trois jours
En fon, quand on retrouve quelqu’un après un long moment, il est de coutume de lui dire « Azan yi aton« . Traduit littéralement, cela signifie « il y a trois jours » à laquelle on répond « un de plus ». Cette expression est fréquemment utilisée au Bénin pour marquer le fait qu’on se soit vu il y a longtemps. Elle vient clairement remplacée l’expression française « il y a belle lurette » qui elle n’est quasiment jamais employée dans le quotidien.
Doucement – Dêdê
Excuse-moi, Pardon. C’est souvent pour s’excuser d’avoir heurté, touché ou blessé quelqu’un qu’on l’emploie. En langue fon, on dit « dèdè » ou « blo dèdè« . La traduction de cette expression fon est très courante en français quand on veut s’excuser. Doucement, Fais doucement sont plus couramment utilisés que Pardon ou Excusez-moi.
A tout moment
Quand on veut se séparer, pour dire « aurevoir » « à bientôt », on dit « à tout moment ». En fait, il s’agit là aussi de la traduction d’une expression qui est utilisée en langue fongbé pour se dire aurevoir.
Il en est de même pour « tu as fait un peu », « ou bien », qui sont aussi très fréquemment employées et qui ne sont rien d’autre que des traductions de « a blo kpèdé a » et « kabi« .
On se rend donc compte que nos langues locales influencent clairement la pratique de la langue française dans notre pays. Mais, il est clair que nos langues sont également influencées par les langues étrangères, en l’occurrence le français et l’anglais.
Les béninismes inversés ou les influences des langues étrangères sur les langues locales
La pratique régulière du français comme langue courante provoque l’usage de certains mots français quand on s’exprime en langues locale. Mais, en fait, cela est plutôt dû à la faible maîtrise de ces langues locales. Il y a souvent des traductions ou des mots qui existent dans les langues locales et qui expriment aussi bien ces idées. L’anglais influence aussi la pratique de nos langues locales. On ressentira particulièrement cette influence avec le yoruba et même parfois avec le fon. Ce qui est particulier ici, c’est surtout la prononciation de ces mots anglais qui fait parfois même qu’on ne se rend pas compte du fait qu’ils sont empruntés à l’anglais. On en a pour preuve les mots saucepan (kpan), church (tchotchi), shoe maker (chouméka).
Pour résumer mon propos dans cet article, les langues locales africaines influencent elles-aussi le français ou l’anglais. Même si ces dernières ont également leur influence sur ces langues locales. C’est ce mélange qui fait la singularité et la particularité des langues françaises et anglaises dans chaque pays d’Afrique. Profitons de ce moment pour célébrer nos langues maternelles. Commentez cet article avec une phrase en français qui contient un mot de votre langue maternelle que vous n’arrivez pas à traduire.
Vive nos langues locales !
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