La planification familiale, pierre angulaire du développement, pourtant rejetée

Article : La planification familiale, pierre angulaire du développement, pourtant rejetée
Crédit: doualatour via Iwaria
30 septembre 2022

La planification familiale, pierre angulaire du développement, pourtant rejetée

Le développement est le plus grand défi des pays les plus pauvres de la planète. Les pays Africains ne sont pas en marge de la recherche des voies et moyens pertinents de développement. On évoque régulièrement l’industrialisation, la dynamisation des secteurs économiques ou encore les transports. Pourtant, il existe d’autres leviers de développement importants à prendre en compte dans la réalisation des objectifs de développement. Parmi ces leviers, l’un des plus négligés est la planification familiale. Cette négligence se traduit aussi bien dans l’opinion publique que dans les actions concrêtes des décideurs publics. Le Bénin, pays d’Afrique de l’Ouest est l’exemple-type de cette relégation de la planification familiale au rang d’instrument secondaire de développement. Avant de comprendre comment la planification peut influencer le développement des pays Africains, notamment du Bénin, revenons en détails sur ce qu’est la planification familiale et ses enjeux.

La planification familiale, qu’est-ce que c’est ?

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Un célèbre adage dit que « prévenir vaut mieux que guérir ». La planification familiale est comparable à un mécanisme préventif face à la poussée démographique incontrôlée. Bon nombre de familles se construisent sans réelle planification, au gré des humeurs et des désirs des conjoints. Parfois même, les naissances surprennent les familles. Construire sa famille sans une réelle politique d’espacement des naissances est problématique. Et c’est cette problématique que la planification familiale vient résoudre. Concrètement la planification familiale, c’est pouvoir faire « un enfant si je veux, un enfant quand je veux ». Elle prend donc en compte la contraception, la prise en charge de l’infertilité ainsi que la prise en charge des maladies infectieuses et du VIH.

Les enjeux de l’espacement des naissances sont divers et variés. Surtout dans un contexte comme celui du Bénin, qui tout comme l’Afrique, ne cesse de voir sa population croître.

La contrôle des naissances, un enjeu important au Bénin comme partout ailleurs

La population béninoise ne cesse de croître à une grande vitesse. La Banque Mondiale estime la croissance démographique du Bénin à 2,8% par an. Un rythme largement au-dessus de la moyenne mondiale d’1,1%. Pourtant, le rythme de développement, lui, n’est pas autant soutenu sur les dernières années. Remarquons que l’indice de développement du Bénin est de 0,4 selon la Banque Mondiale. Il n’a jamais dépassé le seuil de 1. Ce décalage entre la croissance du nombre d’habitants et la stagnation du niveau de vie et d’infrastructures est frappant. Il démontre que l’augmentation de la population n’est pas le catalyseur des efforts de développement consentis dans les secteurs publics. Il est donc important de veiller à une meilleure maîtrise de la démographie dans les pays pauvres, comme le Bénin.

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En termes de ressources humaines, il faut préciser que la forte poussée démographique est un handicap. On entend de plus en plus de voix s’élever à propos de la fuite des cerveaux béninois. Pourtant, c’est entre autre le fait que les conditions éducatives et sanitaires ne soient pas adaptées, qui justifie le départ de bon nombre. On remarque donc que les services de santé, d’éducation baissent en qualité en raison de la trop grande charge d’usagers potentiels. Ces services n’étant pas adaptés pour accueillir un nombre si important de personnes, ils offrent de fait des prestations de mauvaise qualité. Le résultat est que les jeunes décident de migrer vers d’autres continents, parce qu’il « n’y a plus de place ici ». L’exode vers l’Europe de nos jeunes prend donc également sa source dans la démographie galopante et l’absence de réelle planification familiale.

La précocité avec laquelle les jeunes découvrent et s’adonnent aux relations sexuelles est également un indicateur à ne pas occulter. Cal traduit le manque d’éducation préalable à la sexualité et surtout l’absence d’information sur les méthodes de planification familiale.

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A cet enjeu lié à la qualité du potentiel humain, il faut ajouter des enjeux sanitaires. L’absence d’espacement des naissances expose les familles à des risques sanitaires importants. Chez la femme, il faut dire que la multiplication des grossesses constitue un véritable risque. Les enfants, sont quant à eux, exposés à des maladies comme la malnutrition. Etant nombreux et vu les faibles moyens de nutrition, les familles n’arrivent pas à les nourrir convenablement. Ce qui expose ces enfants à des maladies nutritionnelles importantes, face auxquelles ces familles n’ont aucun réel moyen pour faire face.

Chez les parents de façon générale, l’absence de méthodes de planification familiale les expose aux maladies sexuellement transmissibles. Le virus du VIH est d’ailleurs le plus grand risque, quand on sait que la polygamie règne dans bon nombre de familles au Bénin. Les risques d’IST et de VIH s’amplifient donc de ce fait. L’absence de planification familiale est également préjudiciable sur la question du genre. Les risques sanitaires auxquels les femmes sont exposées peuvent les conduire à la mort. Au Bénin, la morbidité et la mortalité materno-infantile représente 17,7% des décès chez les 15-19 ans et 31,7% chez les 20-24 ans. Les femmes sont donc plus fragilisées par l’absence d’une planification des naissances.

Au Bénin, Equipop.org observait un taux de prévalence aux contraceptifs modernes de 16,1% en 2016 chez les femmes de 15 à 49 ans. Ce taux a été porté à 12,4% en 2018 (EDS 2017-2018). Ces risques sont encore plus importants au regard de l’absence de services adaptés de soins obstétricaux dans toutes les régions du Bénin, notamment en milieux ruraux. En effet, plus de la moitié de la population béninoise réside en dehors des villes, ce qui rend l’accès aux soins de santé de qualité plus difficile.

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La succession des grossesses met entre parenthèses ou met fin à la vie professionnelle des femmes. Combien de jeunes filles cessent d’aller à l’école, parce qu’elles sont tombées enceintes ? Combien arrêtent d’étudier ou de travailler pour s’occuper de leurs nombreux enfants ? D’après l’Institut Guttmacher, c’est au moins 13,2 % des filles béninoises de 15-19 ans qui ont déjà donné naissance. Des chiffres qui font froid dans le dos et qui démontrent que l’augmentation de la population entraîne un véritable renforcement des inégalités entre les femmes et les hommes. Ce qui on le sait est un indice, à prendre en compte dans la réalisation des objectifs du développement durable.

On a pu évoquer la santé, l’éducation, les ressources humaines, la question du genre. On pourrait continuer à évoquer les enjeux que soulève la question de la maîtrise des naissances au Bénin. La liste est tellement longue, qu’il est difficile d’en faire un traitement exhaustif. Ce qu’il faut retenir à ce stade est que la planification familiale impacte des questions sensibles de développement. C’est pour cela qu’elle est un objectif de développement à prendre au sérieux.

La planification familiale, un outil de développement à prendre au sérieux

La planification familiale est considérée comme un objectif du développement durable (ODD). Il n’y a qu’à se référer à l’ODD n°3 consacré à donner aux individus les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être à tous les âges, pour s’en assurer. Intéressons-nous plus précisément à la cible 3.7 qui adresse expressément la planification familiale.

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Les indicateurs définis pour mesurer l’atteinte des objectifs de cette cible sont :

  • la proportion de femmes en âge de procréer (15 à 49 ans) qui utilisent des méthodes modernes de planification familiale
  • le taux de natalité chez les adolescentes (10 à 14 ans et 15 à 19 ans) pour 1 000 adolescentes du même groupe d’âge

On voit bien que ces indicateurs sont les mêmes que nous avons évoqués plus tôt pour marquer le retard du Bénin en matière de planification familiale. Œuvrer à ce que ces indicateurs soient portés à la hausse doit représenter un combat de tous les instants pour nos dirigeants. D’abord, parce que la planification familiale contribue spécifiquement à l’atteinte d’un ODD (l’ODD 3). Ensuite et surtout parce que, la planification familiale influe sur la réalisation des autres objectifs du développement durable.

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Comme on peut le voir sur l’image, proposée par Family Planning 2020, les objectifs du développement durable se retrouvent tous liés d’une manière ou d’une autre à l’enjeu de la planification familiale. Par exemple, une utilisation accrue de la PF pourrait, en moyenne, réduire l’insécurité alimentaire par 21%, la mortalité maternelle de 25%. Elle pourrait également augmenter le taux de croissance du PIB de 0,6 points.

Les investissements en matière de planification familiale au Bénin auraient permis d’économiser 21,2 millions de dollars selon le Health Policy Project. De plus, le Consensus de Copenhague place la planification parmi les meilleurs retours sur investissements. De l’économie à l’environnement, en passant par la santé, on voit que la planification familiale a un impact sur ces leviers de développement. C’est donc une nécessité de la prendre en compte dans les programmes de développement, notamment dans les pays en développement comme le Bénin.

Il faut relever ici que des efforts sont consentis au plan régional notamment pour accentuer l’usage de la planification familiale. Evoquons la signature et la ratification du Protocole de Maputo, qui impute au Bénin des obligations en terme d’éducation à la planification familiale (article 14 1.f § 28). Au nombre des initiatives pertinentes et impactantes, on peut citer le Family Planning 2020 et 2030 ou encore le Partenariat de Ouagadougou. Le Bénin a pris, dans ces deux organisations des engagements clairs en faveur de la promotion et de la mise en place d’une politique d’éducation à la planification familiale. Il s’agit par exemple d’atteindre un taux de prévalence contraceptive de 18% en 2026. A travers son Plan d’Action National Budgétisé de Planification Familiale, le Bénin s’est fixé comme objectif d’accroître « le taux de prévalence contraceptive moderne chez les femmes de 12,4% (EDS 2017-2018) en 2018 à 21,8% en 2023 ». Une ambition plutôt élevée, au regard du fait que le financement du plan repose sur les mécanismes d’aide publique au développement.

Il faut néanmoins faire l’amer constat que les besoins en planification restent assez élevés depuis plusieurs années au Bénin (30% en moyenne sur la dernière décennie). Raison de plus pour se demander comment améliorer la situation.

Les obstacles à contourner pour une planification familiale au service du développement

L’un des leviers est l’éducation à la sexualité. Il faut militer pour une meilleure acceptation de la contraception. Il y a un grand travail d’éducation à faire. Le manque d’éducation à la planification familiale est criard au Bénin. L’apprentissage dès le début de l’adolescence des bonnes pratiques en termes de contraceptifs est essentiel chez les filles comme chez les garçons. Une meilleure connaissance de ces sujets éviterait à beaucoup de filles de tomber enceinte avant la fin de leurs études. Plusieurs cas de décrochage scolaire pour cause de grossesses non désirées se verraient ainsi écartés. Le maintien des filles à l’école et leur connaissance des questions liées à la contraception n’est pas une solution à appliquer seule.

Il faut également envisager de résoudre la problématique de l’emploi chez les femmes. On remarque que bon nombre de femmes finissent par manque d’emploi ou d’activités génératrices de revenus, à se livrer à une sexualité guidée par la volonté de leur partenaire. C’est pour cela que la création d’emplois pour les femmes au Bénin et dans les pays en développement doit faire partie de la solution. La part de femmes dans la population active doit être rehaussée. Cela aura également pour impact d’augmenter leur pouvoir d’achat et de leur donner les moyens de choisir plus librement une méthode contraceptive qui leur convient. Parce qu’il faut également le dire : les méthodes contraceptives ne sont pas assez utilisées en raison de leur coût trop élevé, surtout en milieu rural.

A tout ceci, doit s’ajouter une meilleure prise en charge des femmes. Il s’agit de fournir des soins obstétricaux adaptés notamment. La distribution de préservatifs ou de pilules contraceptives ne constitue pas à elle-seule une réponse efficace aux besoins de femmes en termes de planification familiale. L’accès à des informations de qualité, la mise en place de services obstétricaux de qualité, le dépistage et le traitement des maladies infectieuses doivent être une priorité en matière de planification familiale.

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L’un des obstacles les plus importants est le financement. Il faut que les Etats investissent plus. Aujourd’hui, seulement 30% des besoins en contraception sont financés par les Etats membres du Partenariat de Ouagadougou. Et même sur leurs parts respectives, il y a encore des difficultés à mobiliser les fonds. Ce fut le cas du Bénin en 2016, qui n’a pas pu mobiliser les 200 millions de francs CFA prévus, à cause de restrictions budgétaires. Une difficulté majeure qui influence l’autonomie des politiques menées en matière de planification familiale. Celles-ci finissent par être tributaire du bon vouloir des bailleurs de fonds, qui eux-aussi, sont de plus en plus réticents en ce qui concerne le financement des questions liés à la contraception.

Ces défis à relever sont assez bien résumés dans ce schéma, proposé dans le rapport de l’UNFPA sur l’état de la population mondiale. Il indique de façon cumulative tous les secteurs sur lesquels il est important d’investir pour influencer en matière de planification familiale. Et ces solutions sont complètement valables au Bénin, comme dans les autres pays de la sous-région.

Retenons en guise de conclusion que la planification ne devrait pas être un instrument secondaire de développement dans les pays en développement comme le Bénin. Elle doit être la pierre angulaire des projets de développement. Toutes les raisons précédemment citées suffiront à vous convaincre. De plus, il s’agit d’un investissement qui permet de faire énormément d’économies. Quoi de mieux pour des Etats qui cherchent à résoudre des problèmes à moindre coût de façon optimale. C’est aussi à un enjeu d’efficience que répond la prise en compte de la planification familiale en tant qu’instrument de développement. Chers décideurs, à vous de jouer !

Sources mobilisées

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