L’Afrique entre le marteau du développement et l’enclume de l’écologie

Article : L’Afrique entre le marteau du développement et l’enclume de l’écologie
Crédit: Avec Foumi
27 février 2022

L’Afrique entre le marteau du développement et l’enclume de l’écologie

Aujourd’hui, on est bien loin des expressions comme « Tiers-monde » pour désigner les pays Africains. Pourtant, les Etats africains sont toujours à la quête du développement. On parle maintenant de « pays en voie de développement » ou de « pays moins avancés ». Le défi pour l’Afrique reste de se développer. Le modèle de développement que les Etats africains doivent atteindre est européen. Et ce modèle est très polluant. Des industries au charbon et aux énergies fossiles de toute sorte. Des systèmes de transport ultra consommateurs de carbone, de l’énergie non verte… Il faut se développer et en même temps il faut penser à protéger la planète. Ce qui complexifie tout de suite la posture des Etats africains face à ces deux défis, difficilement conciliables. Cette difficulté est due à la définition classique du développement, qui n’intègre pas l’aspect environnemental.

La définition même du développement

Le développement humain consiste à donner aux populations les moyens de trouver et d’emprunter les chemins qui les mèneront à une vie riche de sens, ancrée dans l’expansion des libertés.

Rapport sur le développement humain 2020 – PNUD

Il s’agit clairement d’une définition où les questions environnementales ne sont pas intégrées. En tout cas, pas explicitement. D’après mes quelques années d’économie au lycée, le développement s’obtient par la combinaison de la croissance économique et du progrès social. Autrement dit, le progrès social est le symbole ou le curseur de tout développement. On pourra identifier ici par exemple l’accès à l’eau potable, à l’énergie, aux transports… C’est l’ensemble de ces éléments que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) réunit sous l’indice du développement humain. Il est le principal indicateur de mesure du niveau de développement des Etats. Et d’après le dernier rapport sur le développement humain, il ne fait aucun doute que les Etats africains sont en retard.

Afrique développement durable écologie

Un seul Etat africian, Maurice, a un indice de développement humain très élevé. La majorité des Etats africains ont des IDH très faibles. Par contre, cette conception du développement qui consiste à produire en masse et à se servir des fruits pour créer du lien social est polluante. La preuve est que les Etats à fort indice de développement humain sont ceux dont l’empreinte carbone par habitant est la plus élevée. Cela signifie que le développement tel qu’il est perçu actuellement est polluant. Etre un pays développé et assurer un progrès social aux populations inclut une pollution massive. Pourtant, les Etats africains ont besoin de se développer.

Un besoin de développement corrélé à une nécessité de protéger des espaces

Il n’y a aucun doute que les Etats africains ont besoin de se développer. Concrètement, il s’agit d’améliorer les conditions de vie des citoyens de ces Etats. Ce besoin existe autant que celui de protéger les espaces et les territoires sur lesquels les citoyens africains vivent. L’Afrique émet certes très peu de carbone par rapport au reste du monde. On pourrait déjà dire que la croissance sur le continent n’a pas réellement d’influence sur la pollution mondiale. Mais, ce n’est pas là qu’il faut voir la vulnérabilité du continent. C’est plutôt dans les manifestations du changement climatique, qui se font le plus sévèrement ressentir en Afrique. Les conditions de vie, et donc de sous-développement accentuent cette vulnérabilité.

Les Etats africains se retrouvent donc face à un dilemme. Celui d’œuvrer pour atteindre les objectifs de développement qu’on connaît : forte industrialisation, secteur tertiaire avancé, agriculture mécanisée… Et simultanément, ils doivent contrôler cette croissance, au risque de ne pas détruire ce qu’il reste de la nature. A ce niveau, je souhaiterais qu’on se pose quelques questions. Quel est le niveau de responsabilité du continent africain dans cette crise climatique ? L’Afrique est responsable comme toute la planète, mais bien évidemment dans des proportions moindres que les pays développés. Est-ce aux Africains de sacrifier le développement au nom de la protection de la planète ? Les pays développés n’ont-ils pas à faire plus d’efforts pour protéger la planète afin d’encourager l’Afrique à amorcer son développement ?

Il faut encore ici une réponse collective, mondiale et simultanée à ces questions. C’est pour cela qu’il n’est pas inutile de s’intéresser aux exigences faites à l’Afrique sur les questions de développement et de protection de la planète.

Les exigences internationales en matière de développement et de protection de l’environnement

Sur les questions de protection de la planète, la communauté internationale s’est entendue pour alléger la responsabilité des Etats africains. Le symbole de cet allègement est le principe des responsabilités communes mais différenciées. Les Etats africains conservent grâce à ce principe le droit d’œuvrer pour leur développement, tout en obligeant les Etats déjà développés à s’investir beaucoup plus qu’eux dans la lutte contre la crise climatique. Mais, bien évidemment dans les faits, on est bien loin de l’idéal soulevé par ce principe.

Aujourd’hui, il faut même dire que certains se servent de ce principe pour éviter d’assumer leurs responsabilités dans la crise climatique. On peut légitimement penser ici à la Chine, à l’Inde ou aux autres pays émergents. Ils considèrent qu’ils n’ont pas encore atteint un niveau de développement conséquent, les obligeant à s’engager plus activement dans la lutte contre la crise climatique. Aujourd’hui, ces Etats sont bien éloignés de la majorité des pays Africains, en terme de croissance au moins. Sur ce qui est du progrès social, on peut dire que l’herbe n’y est pas forcément plus verte. Mais, cette forte croissance doit déjà les pousser à intégrer l’aspect environnemental. On imagine déjà dans quelques années, si l’Afrique réussit à créer un véritable progrès social, un discours similaire. Mais, on n’en est pas encore là.

Globe planète
Crédit : Unsplash

Le concept du développement durable, la réponse au dilemme de l’Afrique ?

On peut clairement voir qu’il y a un véritable dilemme. Et la posture des autres Etats dans le monde n’aide pas les Africains. Entre les pays développés qui ne veulent pas freiner leur élan et protéger plus la nature et les pays émergents qui veulent continuer à bénéficier du rabais de leur responsabilité, malgré leur forte croissance et pollution. C’est clairement difficile de se positionner. Mais, il est clair qu’aucune des deux questions ne doit être négligée. Le concept du développement durable, introduit par le rapport Brundtland, semble être l’alternative la plus raisonnable à ce dilemme.

En effet, les questions de développement impliquent généralement un aspect environnemental. Cet aspect peut délibérement être pris en compte ou non. Et c’est là que l’Afrique doit se démarquer. En prenant des mesures pour aller vers le développement, tout en préservant la nature. On peut prendre plusieurs exemples à ce niveau. L’Afrique a besoin d’énergie. Au lieu de passer par les énergies fossiles et de vouloir après faire une transition énergétique comme les pays développés, il est préférable de commencer dès maintenant à privilégier les énergies renouvelables. La gestion des déchets, si elle est plus eco-responsable pourra éviter un certain nombre de pollution (air, océan) qui tuent des millions d’Africains. Il faudra que l’Afrique crée un cercle certueux vers la croissance et le développement. Il n’est pas question de suivre le même chemin que les pays développés.

Les Etats africains n’ont pas à choisir entre protéger les générations futures et assurer un minimum de bien-être social. Les deux doivent être réalisés simultanément. Et il faut pour ce faire intégrer dans tous les processus de développement les enjeux environnementaux. Ceci sans exception. Ainsi, l’Afrique pourra postuler à un « développement qui répond aux besoins des générations présentes, sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».

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