3 mars 2067, il neige à Cotonou

Article : 3 mars 2067, il neige à Cotonou
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24 mai 2020

3 mars 2067, il neige à Cotonou

6h30, Awa vient de rentrer épuisée du travail. Elle est commerciale dans un grand supermarché. Ses enfants sont rentrés de l’école une heure et demie plus tôt. Elle doit préparer le dîner. Le réfrigérateur est rempli de sable. Les enfants n’aiment pas vraiment ça, mais ils n’ont pas vraiment le choix.

Il n’y a ni légumes ni viande dans les supermarchés depuis plusieurs années maintenant. Le rayon « sable » lui, a triplé ses ventes dans tous les supermarchés. Le sable mentholé est le préféré des enfants. Awa en avait encore en petite quantité dans le réfrigérateur. Mais ce soir là, elle voulait ajouter quelque chose de spécial à la recette. Elle était revenue avec des tomates et des oignons. Seules les personnes cossues en mangeaient encore. Elle avait dû débourser plus de la moitié de son salaire pour six tomates et deux oignons. Le maraîcher lui avait fait un cadeau en or : un œuf.

La volaille avait complètement disparu, si bien qu’il n’y avait presque plus d’œufs. Ce cadeau lui fit un bien fou. Elle allait enfin pouvoir goûter à nouveau ces produits qui avaient bercé sa tendre enfance. Elle commence la préparation du repas. Le sable ne mettait pas grand temps pour réchauffer. Il était prêt. Quant à l’œuf, aux oignons et aux tomates, Awa les fit cuire à la lumière du soleil qui venait de se lever.

La technologie a tellement évolué qu’on peut cuire des œufs sans gaz, ni charbon. Les rayons de soleil suffisent largement. Il était 7h. 55°C à l’ombre. Le repas était servi. Les enfants se régalèrent d’avoir chacun en plus de leur ration habituelle de sable, une cuillère d’œuf. Quel bonheur c’était pour leur papilles et quelle nostalgie pour Awa, qui se rappelait de l’époque où les œufs, la viande et le poisson, il y en avait à gogo.

Des fruits et des légumes même bourrés aux OGM et aux conservateurs existaient encore à l’époque. Le souvenir du goût du maïs, du mil et du sorgho la hantait tant le sable qu’elle était contraint de consommer la dégoutait. Des arbres, il y en avait tellement. Seuls quelques espaces verts résistaient encore aux fortes vagues de chaleur qui pesaient sur toute la planète. Le littoral et le désert se sont rapprochés comme des aimants.

Pendant ce temps, toutes les prouesses technologiques qui étaient annoncées dans les journaux télévisés pendant sa jeunesse ont toutes été réalisées au mépris de la conservation de l’écosystème dans lequel elle vivait. Il y avait beaucoup plus de voitures qu’à l’époque, mais elles étaient électriques ; plus d’avions qu’à l’époque, mais ils étaient électriques et fonctionnaient avec des « biocarburants ».

C’est amère, qu’elle fit coucher les enfants et qu’elle se mit à regretter son enfance et la vie qu’elle menait à cette époque, devant un nouvel épisode météorologique stupéfiant et significatif du réchauffement climatique. Il neigeait. Oui, de la neige. Comme par magie, la température est passée de 55° à 5°C.

Awa, c’est toi qui me lit

Awa, c’est ta fille

Awa, c’est nous

Aurons-nous en 2067 à regretter les produits que nous consommons aujourd’hui ? Aurons-nous à manger du sable ? Aurons-nous à être tenus d’aller travailler dans la nuit et à dormir en journée parce qu’il fera trop chaud pour garder cette habitude ?

Les réponses à ces questions dépendent des actions qu’Awa, que nous menons aujourd’hui pour préserver cet écosystème, dont la fragilité a été éprouvée par les avancées technologiques effrénées.

Agissons et évitons de grelotter après avoir transpiré.

Lire aussi : Et si nous étions responsables ?

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Commentaires

Eliane
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Un texte poignant et bien écrit. Il est vraiment temps que chacun à son échelle puisse poser des actes concrets pour sauver notre planète et nous sauver.

Foumilayo Assanvi
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Merci Eliane. Le plus tôt sera le mieux.

SOSSOUVI AUDE ZITA
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Le changement doit commencer d'abord par chacun de nous, personnellement, dans nos maisons, nos choix, nos décisions, nos pensées et nos actes...
Le premier pas, fût-il minime, contribuera au grand changement. Prenons les bonnes décisions déjà en cette période festive: que mangeons nous, qu'achetons nous à nos enfants en cadeau, les jouets en plastique qui traîneront ça et là dans quelques semaines, totalement dépiècés et plus polluant que jamais ont remplacé les livres éducatifs qui éveillent l'intelligence et la curiosité des enfants. Aujourd'hui nous avons plus de transformateur que d'inventeur, les Albert Einstein ont disparu, les Nelson Mandela ont déserté les instances politiques....allez savoir pourquoi?
Ils préfèrent certainement se regrouper en syndicat pour définir le prix du transport...(très drôle) C'est triste....

Harold ADJAHO
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J'ai aimé Foumi. C'est saisissant et ca permet de réfléchir aux enjeux climatiques...

Foumilayo Assanvi
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Merci Harold ! Vivement le changement.