Petit à petit, le terrorisme fait-il son nid au Bénin ?
Le Bénin a connu mardi 8 février l’attaque terroriste la plus meurtrière de son histoire : près d’une dizaine de morts au Parc W. Avant de poursuivre la lecture de ce billet, je vous invite à observer une minute de silence pour ces personnes qui ont perdu la vie, alors qu’ils ne faisaient que leur travail.
Les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest avaient été jusqu’à ces dernières années épargnées par le terrorisme. La tendance terroriste dans le Sahel semble gagner peu à peu ces pays. Et le Bénin ne fait pas exception. Le Nord-Bénin est devenu ces derniers mois un nid pour le terrorisme, qui a envahi les pays du Sahel. La menace terroriste devient de plus en plus forte dans cette région du pays. Le Bénin, qui comme ses voisins semble avoir des difficultés pour lutter et faire face à l’émergence du terrorisme. Que font nos autorités ? Comment réagissent-elles face à cette crise sécuritaire qui ne dit pas son nom ? Je vous propose dans cet article d’analyser la succession d’attaques connues à ce jour et les réactions des autorités.
1er mai 2019 – Enlèvement de deux touristes français et assassinat de leur guide béninois dans le Parc de la Pendjari
C’est le tout premier évènement, qui lance les intrusions sur le territoire béninois des groupes armés mal intentionnés. Des touristes français sont enlevés dans le Parc Pendjari et leur guide béninois est assasiné. L’alerte sur le pays est grande, surtout que les victimes sont des étrangers. Les touristes seront libérés quelques jours plus tard au Burkina-Faso grâce à une opération menée par les militaires français. Mais, c’était déjà le premier signe que les groupes terroristes s’intéressaient au Bénin. Cette option terrroriste avait été écarté, au motif qu’elle serait une invention pour discréditer le pouvoir en place, au lendemain des violences électorales de 2019. Sur l’origine des terroristes, il s’agirait d’une bande, reliée au Katiba Macina, rattachée au Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), qui lui même est une branche d’AQMI.
9 février 2020 : attaque d’un poste de police à Kérémou (frontière du Burkina Faso), faisant un mort
La deuxième attaque porte cette fois tous les signes du terrorisme. Cette fois, c’est clairement les hommes en uniforme qui sont visés. Des cris « Allah Akbar » auraient été entendus au moment de l’attaque du poste de police de Kérémou. Mais, les autorités écartent la piste terroriste et parlent plutôt de braconniers qui auraient attaqué le poste de police. Mais, ce qui reste marquant est le silence gouvernemental sur la question. Aucun communiqué officiel, ni aucune mesure officielle ne fait suite à cet évenement. La riposte semble se préparer loin des espaces médiatiques.
Fin mars 2021, des hommes armés appartenant au GSIM sont appréhendés par les rangers d’Africa Parks. Selon Le Monde, « entre la fin octobre et la fin novembre 2021, une dizaine d’hommes, accusés d’être en contact avec des terroristes islamistes, ont été arrêtés dans le département de l’Atacora, limitrophe du Togo et du Burkina Faso, et transférés à Cotonou, la capitale économique du Bénin pour être entendus par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) ».
1e et 2 décembre 2021 : attaque dans l’Alibori et deux militaires tués près de la frontière burkinabé
Le mois de décembre 2021 débute par une nouvelle attaque. Cette fois-ci à Porga, à la frontière burkinabé. Deux soldats des Forces armées béninoises y perdent la vie. Ces attaques début décembre sont peut-être le résultat de ces arrestations de suspects. Des opérations auraient également été menées côté burkinabè dans la période. Ce qui aurait poussé les djihadistes à se replier au Bénin. Mais là encore, la communication n’est pas claire. Un communiqué du colonel Fructueux Gbaguidi, chef d’état-major de l’armée de terre, vient un peu détailler la situation.
« Cette nouvelle épreuve de feu nous rappelle dans le sang et dans la douleur que le danger est réel sur le terrain »
Colonel Fructueux Gbaguidi
C’est la première fois que l’armée réagit par un communiqué rendu public à une attaque terroriste. Côté gouvernement, l’information est discrêtement évacuée. La communication plus que sobre sur cette question se poursuit. Le Président de la République saluera néanmoins la mémoire des victimes dans son discours à la Nation devant l’Assemblée Nationale. Il promettra de mutiplier les moyens pour améliorer la sécurité dans la zone.
6 janvier 2022 : l’explosion d’une mine provoque la mort d’au moins deux militaires dans une zone proche du Burkina Faso
Quelques jours après le discours du Président à la Nation, les assaillants n’ont pas pris de pause. Toujours à la frontière burkinabé, une nouvelle attaque djihadiste a lieu. Et comme depuis quelques mois, ce sont les militaires les cibles. Un véhicule de transport de troupes a été soufflé par une mine explosive. Deux soldats au moins y ont perdu la vie. Silence radio du côté des autorités. RFI rapporte que « rien n’a été dit sur d’éventuels blessés. L’armée ne communique pas, le gouvernement non plus. »
8 et 10 février 2022 : 9 personnes tuées par des djihadistes dans le Parc W
La dernière attaque est la plus sanglante. Neuf personnes tuées dans le parc W en deux jours. Et là encore, la communication dans les premières heures qui suivent l’attaque est floue. C’est Africa Parks, la société chargée de la gestion du Parc W, qui réagi en premier avec un communiqué.
La réaction gouvernementale, elle, se fera attendre jusqu’au soir du 10 février, suite à l’explosion d’une deuxième mine. Un conseil des ministres extraordinaire se réunit avec le haut commandement de l’Armée. Un communiqué rendu public en fin de journée, fera un point sur la situation. Et là encore, il n’y a pas de reconnaissance d’une présence djihadiste ou terroriste. Le gouvernement parle plutôt de « braconniers ».
Le constat est clair : les terroristes, même si on ne veut pas les appeler ainsi, sont là. L’action de nos forces de défense n’est pas infaillible. Preuve en est du nombre de plus en plus croissant des attaques que subit notre pays. Et il s’agit de la même région. A cette vulnérabilité grandissante, il faut ajouter que l’existence de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme n’a pas changé grand chose. Nous n’avons à ce jour aucune suite quant au jugement des suspects arrêtés. Aussi, il faut remarquer que la communication des autorités sur ces attaques est très sobre, voire inexistante. Pourtant, il est important de dissiper auprès des populations tout soupçon et renforcer la sécurité dans les régions concernées. Sinon, à votre avis, pourquoi les autorités communiquent très peu autour du risque terroriste au Bénin ?
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