Défendre l’environnement, un risque à la hauteur de l’enjeu

Article : Défendre l’environnement, un risque à la hauteur de l’enjeu
Crédit: Unsplash
5 décembre 2021

Défendre l’environnement, un risque à la hauteur de l’enjeu

Face à la passivité au sommet des Etats sur les problématiques climatiques, la société civile n’est pas silencieuse. Les organisations non gouvernementales, les associations en tout genre ou encore les peuples autochtones sont devenus de véritables défenseurs de l’environnement. A ce groupe, il ne faut pas oublier d’ajouter les jeunes, qui s’engagent de plus en plus pour la protection de la planète. Greta Thunberg, Vanessa Nakate, Elisabeth Wathuti sont les emblèmes de cette génération en quête de justice climatique. Et ils sont des milliers à défendre ainsi leur environnement immédiat loin de la hype médiatique. Mais, défendre l’environnement n’est pas exempt de risque. Il est devenu dangereux de se positionner en faveur de la planète face à des politiques ultra capitalistes et dont les enjeux financiers crispent. Pour bien comprendre ces dangers, commençons par évaluer les enjeux autour de la protection de l’environnement.

Les enjeux autour de la lutte climatique

Protéger la planète revient à adopter des politiques, qui modifient le modèle sociétal actuel. Réduire les industries polluantes, punir les pollueurs en les faisant payer, etc. Ces décisions en faveur de la planète ont généralement une incidence financière assez importante. Les premiers concernés sont les entreprises polluantes. Elles craignent la baisse de leur profit du fait de décisions favorables à l’environnement. Ou encore, elles ne veulent pas avoir à verser de taxes pour réparer les dommages environnementaux créés. Bref, elles veulent s’assurer des bénéfices toujours plus importants. Les Etats eux-aussi, sont concernés par l’impact financier des décisions à la portée environnementale.

Entre ceux qui veulent continuer à s’enrichir et ceux qui sont en quête d’une meilleure croissance pour s’assurer un progrès social, il y a toujours une volonté de s’assurer une trésorerie abondante. Ils n’hésitent donc pas à encourager des activités polluantes, du moment que celles-ci génèrent assez de ressources financières. Aussi, il faut évoquer le fait que la lutte contre le climat est budgétivore. Son coût élevé entretient la réticence des Etats, des entreprises et des citoyens à s’engager dans la révolution climatique. Vous comprenez donc que les défenseurs de l’environnement dérangent et compromettent dangereusement les intérêts financiers des grands groupes et des Etats.

Au delà des enjeux financiers et économiques autour de la lutte climatique, il faut soulever les enjeux politiques et sociaux. Les questions environnementales prennent de plus en plus de place dans l’espace médiatique. Et même politiquement, il y a des partis verts qui naissent et qui briguent des mandats électifs. Le sujet est donc devenu d’intérêt public. Les politiques cherchent donc à montrer qu’elles font le maximum pour lutter contre les catastrophes climatiques. Ce qui n’est généralement pas le cas. L’action des activistes et des défenseurs de l’environnement pour dénoncer ces politiques ou pour empêcher des actions climaticides est souvent mal perçue. Non seulement, ils ne favorisent pas la bonne marche des affaires, mais ils réduisent l’estime de l’électorat pour les politiques au pouvoir. Ce qui fait des défenseurs de l’environnement des cibles de toute sorte de représailles.

Défendre l’environnement, c’est plus que risqué

Les défenseurs de l’environnement, dans leurs diverses actions, se font des ennemis. Et les risques auxquels ils sont exposés de ce fait sont importants. En 2020, Global Witness a répertorié 227 attaques meurtrières contre des défenseurs de l’environnement. C’est un nombre, dont on ne peut pas être fier. Ils ont perdu la vie en défendant leurs maisons, des champs, des plantations ou encore l’écosystème de la biodiversité.

70 % ont été assassinés alors qu’ils luttaient contre la déforestation et l’industrialisation dans les zones protégées. Des luttes d’intérêt général. L’intégralité de ces atteintes à la vie des défenseurs de l’environnement, à un mort près (au Canada), ont été perpétrées dans des pays du Sud. La Colombie (65), le Mexique (30), les Phillipines (29) arrivent en tête de liste. Ces pays, qui soufrent le plus des effets pervers du réchauffement climatique sont ceux où les crimes du genre sont commis.

En dehors des repressions meurtrières à l’encontre des défenseurs de l’environnement, il faut évoquer les intimidations et les diverses privations de liberté dont ils sont victimes. Les exemples sont légions et sont plus désolants les uns que les autres. Je pense encore à l’arrestation en septembre 2020 de neuf personnes, dont deux journalistes en Ouganda. Ils s’apprêtaient à animer une émission pour appeler à la mobilisation pour protéger une forêt. On peut citer ici Indra Pelani en Indonésie, Sergio Rojas au Costa Rica, Berta Caceres au Honduras, tous assassinés pour leur combat pour l’environnement.

Quelle protection pour les défenseurs de l’environnement ?

« On constate hélas que les activistes de l’environnement, comme ceux des droits humains, comme les journalistes qui témoignent de leurs combats, risquent de perdre la vie un peu partout. Au-delà de la question de la distribution des richesses naturelles et de l’accès équitable à la terre pour tout le monde, je crois qu’il faut développer un code juridique pays par pays comme à l’international. Il faut accorder une protection internationale aux défenseurs de l’environnement, ils méritent une attention spéciale. »

Teresa Ribera, Ministre de la Transition écologique et du défi démographique d’Espagne dans un entretien accordé à Amnesty International le 11 novembre 2016

Face à cette implosion des risques dans la défense de l’environnement, il est clair qu’il faut assurer une meilleure protection à ces personnes. Conformément aux grands principes environnementaux, leurs actions ne devraient même poser aucun problème. On pense à la participation du public à la gestion des questions environnementales ou encore au droit des peuples autochtones à disposer de leurs terres. On peut également citer ici la Déclaration des Nations Unies sur les Défenseurs des Droits humains de 1999. Mais, on constate amèrement que les Etats n’accordent pas un grand prix aux respects de ces déclarations. Ils se rendent même coupables de crimes contre les défenseurs de l’environnement. Le rapport de Global Witness indique que l’armée, la police ou les forces paramilitaires ont abattu au moins 39 défenseurs de l’environnement. De plus, il faut noter qu’il n’y a pas de poursuites judiciaires pour condamner les auteurs.

Le constat est amer : le droit international est impuissant face aux attaques contre les défenseurs de l’environnement. Alors que l’une des solutions envisagées pour contourner ses failles était l’engagement des citoyens. Si ces derniers se retrouvent exposés à de grands risques, il est clair que le réveil n’est pas pour bientôt. Il faut concrètement protéger davantage les défenseurs de l’environnement. Et cela passe d’abord par l’intégration aussi bien par les Etats que les entreprises. Les défenseurs climatiques doivent être considérés comme des collaborateurs et non comme des ennemis à abattre. Cette prise de conscience réduira considérablement le nombre d’attaques contre les défenseurs de l’environnement. La répression de ces crimes doit être sévère. Il n’est pas tolérable qu’on puisse mourir en défendant le bien le plus précieux que nous ayons : la planète.

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