Fin annoncée de la pollution plastique, un rêve bien vendu

Article : Fin annoncée de la pollution plastique, un rêve bien vendu
Crédit: Pexels
9 mars 2022

Fin annoncée de la pollution plastique, un rêve bien vendu

Je vous parlais dans le billet vert précédent de la résolution onusienne sur la pollution plastique. Elle vient de lancer le processus d’interdiction par les Etats de l’usage de toute forme de plastique. Ce pas de géant dans la lutte contre l’un des vecteurs du changement climatique a été fortement salué de par le monde. S’il faut reconnaître l’utilité et la pertinence d’un outil juridiquement contraignant, il faut clairement s’interroger sur l’avenir d’un tel projet. Et c’est ce que nous allons faire dans ce billet vert. Le premier élément sur lequel il faut se questionner est la faisabilité d’un monde sans plastique. Ensuite, il faut se demander au regard des nombreux obstacles s’il ne s’agit pas d’un rêve, bien vendu.

Les obstacles à contourner

Pour tous les observateurs, il est clair que cette résolution des Nations Unies doit être accueillie avec la plus grande prudence. On peut d’ailleurs comprendre que cette crainte existe également chez les décideurs. Ils affirment que le Comité intergouvernemental de négociation, destiné à préparer l’accord juridiquement contraignant sur la pollution plastique, doit se mettre à pied d’œuvre. Et surtout respecter l’échéance de 2024. On peut d’ores et déjà comprendre que si le principe d’un accord contraignant est acquis, les contours des contraintes à imposer seront difficiles à déterminer. Trois facteurs devront entrer en ligne de compte dans la réussite ou non de ce projet de traité. Il s’agit d’abord des grandes firmes, dont le plastique est le fond de commerce.

L’offre de plus en plus croissante de plastique : les entreprises

C’est le premier obstacle qu’il faudra contourner. Ou du moins, ce traité mettant fin au plastique impactera en premier les entreprises qui produisent du plastique. Parce que l’offre de plastique ne cesse de croître. La production de plastique a dépassé les 460 millions de tonnes en 2019. Sans compter que plus de 300 millions de cette production se transforme en déchets. Concrètement, de quoi se compose cette offre de plastique ? On retrouve du plastique dans énormément de produits industriels. Les emballages transparents, les coques de bateau, les pièces automobiles, les tuyaux, les ustensiles de cuisine, les assiettes jetables, les plateaux de cuisine, les bouteilles, les sacs à commissions, le vernis, les adhésifs, la peinture, les matelas, les isolants en plastique, les chaussures de sport… On peut en faire un article entier, tellement notre quotidien est bourré de plastique.

Types de plastique, contribuant à la pollution plastique

On voit bien que les entreprises commercialisent de nombreux produits à partir du plastique. Ils se font énormément d’argent grâce au plastique. Et là, vous savez déjà que lorsque l’argent entre en jeu, tout devient plus difficile.

Les habitudes de consommation en plastique : les consommateurs

Si l’offre de plastique ne cesse de croître, il faut aussi remarquer que la demande suit le même cours. Il y a de plus en plus de demandes de plastique dans le monde en général. « La demande mondiale a crû au rythme confortable de 4,7 % par an sur la période 1990-2017« . Aussi bien dans les industries parallèles comme l’automobile, le bâtiment… qu’au niveau des consommateurs. Pour les consommateurs, on a vu ces dernières années la culture des repas à emporter, des emballages plastiques… se développer. Les consommateurs se sont donc de plus en plus habitués à utiliser du plastique. Et c’est aussi à ces habitudes de consommation que l’offre de plus en plus croissante de plastique répond.

Les consommateurs peuvent également influencer cette perception et cette consommation du plastique. Pour cela, il faut rallier le maximum de personnes à la cause écologiste. Ou du moins faire prendre conscience qu’il faut utiliser de moins en moins de plastique. Les consommateurs doivent changer leurs habitudes de consommation. Car, nous sommes tous responsables quelque part de cet usage abusé et démesuré de plastique. Il ne faut pas attendre qu’ils décident de mettre fin au plastique. Il faut décider de devenir des consommateurs engagés et de réduire, sinon éliminer le plastique de nos consommations respectives. Les blocages à contourner dans cette lutte contre le plastique sont le lobbying des entreprises, les habitudes de consommation, mais aussi l’incapacité des Etats à exercer un véritable contrôle sur le plastique.

La difficulté de contrôle des Etats sur la pollution plastique

J’ai encore en mémoire l’adoption en grande pompe de la loi anti-sachets non biodégradables au Bénin. Quelques années plus tard, force est de constater qu’il y a toujours des sachets plastiques non biodégradables qui circulent. A l’exception des pharmacies, où il y a un grand effort réalisé. On comprend que le tout ne suffit pas d’adopter ou voter une loi contre la pollution plastique. La résolution de l’ONU, si elle se concrétise par un accord juridique contraignant ne suffira pas non plus. Il faudra plus que la loi, c’est-à-dire l’application effective de la loi. Ainsi, on pourra espérer une consommation au rabais du plastique sur les prochaines.

Aussi, il faut évoquer que la difficulté dans ce contexte est l’aspect multilatéral de cet accord annoncé. Les Etats n’ont ni les mêmes intérêts, ni la même consommation de plastique. Concilier ces intérêts divergents et créer une contrainte qui permettent à tous les Etats d’y trouver leur compte sera un défi à relever. Mais, comme je le disais ci-dessus, ce qui compte reste l’application que les Etats feront de cet traité. Rappelons que la signature d’un traité ne suffit pas à le rendre obligatoire dans un Etat. Encore faut-il que tous les Etats signataires ratifient ledit traité et adaptent leur ordre juridique à celui-ci. Et clairement, cela peut prendre plusieurs années. L’échéancier s’étend donc bien au delà de 2024 pour voir du concret. C’est dommage, mais c’est comme ça. Il ne faut néanmoins pas perdre espoir.

Ce qui pourrait faire marcher tout ça

Trois actions simultanées et concomitantes pourraient selon moi, concrétiser le rêve de la fin du plastique. Bien qu’en réalité, notre société ne pourra pas s’en passer à 100 %, il faudra le réduire au minimum nécessaire. La première est la volonté politique de plus en plus croissante pour faire de cet accord une réalité en 2024. Il est nécessaire que les Etats respectent leurs engagements pour que le traité contraignant pour mettre fin à la pollution plastique, soit une réalité en 2024. La deuxième action concerne les entreprises et les industries qui produisent du plastique. Je pense qu’elles devraient comprendre l’urgence dans laquelle notre planète se trouve. Elles ne doivent pas faire jouer le lobby pour retarder ou empêcher la fin progressive du plastique. Et surtout penser des mécanismes pour créer du plastique propre et écologique. Sans oublier de cesser l’incitation massive des consommateurs à son utilisation. La troisième action vous concerne. Oui, vous qui lisez cet article. N’attendons pas qu’ils décident d’imposer la fin de l’usage du plastique. Essayons de réduire notre consommation quotidienne de plastique. Utilisons des objets réutilisables en lieu et place du plastique. Agissons à notre échelle pour changer les choses.

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