Nos très chères denrées alimentaires

Article : Nos très chères denrées alimentaires
Crédit: Iwaria
2 mars 2022

Nos très chères denrées alimentaires

Tout flambe, tout se rarifie, rien n’est moins cher. Le constat est flagrant et ceci sur tous les types de produits allant des denrées alimentaires aux services. Pour ce qui est des denrées alimentaires, les produits maraîchers comme la tomate, l’oignon sont devenus plus chers. Ajoutons à la liste l’huile végétale, le maïs et même le gari. Le gari est cette farine de manioc, salvatrice dans les moments de vache maigre et de sécheresse financière. Ce gari est devenu un luxe. Conséquence, les plats proposés par les restaurateurs sont devenus eux-aussi hors de portée d’un portefeuille, qui lui, n’a pas connu d’inflation.

Le prix du sac de 100kg de piment qu’on prenait à 20 000f ou 25 000f est actuellement à 55 000f CFA sur le marché – Tous les produits vivriers ont augmenté de prix – L’huile qui était à 15 000, augmente de jour en jour de 1000 f, 2000f, 3000f… C’est le cas aussi de la farine. Ce qu’on vendait à 21 500f ou 22000f, hier ils l’ont augmenté encore de 1500f. On ne comprend plus rien »

Pendant que certains déclarent « ça y est, c’est la fin », d’autres assistent impuissants à cette flambée des prix. Si la plus sensible et la plus perceptible des hausses est celle des denrées alimentaires, elles ne sont pas les seules concernées. De plus en plus de services ont eux aussi connu une augmentation de leurs tarifs. L’électricité, le transport, le carburant… Bref, les prix flambent. Et il faut très vite déterminer le départ d’incendie pour faire cesser cette flambée.

Crédit : Mr_Achraf via Iwaria

Une flambée des prix généralisée, qui n’épargne personne

L’Indice FAO « s’est établi en moyenne à 127,1 points en mai 2021, soit 39,7 % de plus qu’en mai 2020 ». Il s’agit d’un record depuis 2011. Ce n’est donc pas une situation propre au Bénin. Il s’agit d’une tendance générale, que connaît toute l’économie mondiale. Les pays de la sous-région ouest-africaine subissent encore plus durement cette crise en raison d’un certain nombre de facteurs, qui seront détaillés d’ici là. Revenons à ce qui ce passe autour de nous. En dehors des signes de cette inflation dans notre quotidien, on peut l’acter avec d’autres indicateurs.

nos très chères denrées alimentaires inflation en Afrique de l'ouest et au Bénin

D’après le Classement Mercer 2021, N’djaména, Lagos, Libreville et Abidjan sont des villes où la vie coûte plus cher qu’à Paris et Washington. Cotonou était classée en 2020 comme 21ème ville la plus chère d’Afrique et 140ème sur le plan mondial. La capitale économique du Bénin a gagné six places dans le même classement une année après. En 2021, Cotonou est la 15ème ville la plus chère d’Afrique. Cela ne fait que témoigner d’un endurcissement du coût de la vie au Bénin et dans la sous-région en général.

Qu’est-ce qui explique cette inflation galopante ?

Cette flambée des prix porte un nom en économie : c’est l’inflation. Et la justification technique est que l’offre des biens et des services est inférieure à la demande. Du coup, les prix montent et montent encore. Cette justification se vérifie auprès des commerçants, qui justifient l’augmentation de ces prix par la rareté de ces produits. « Ce n’est pas la saison » a-t-on pu entendre chez le boutiquier ou la marchande.

La hausse des prix s’explique essentiellement par les tensions sur les prix des produits alimentaires, en lien avec, d’une part, la baisse de la production céréalière lors de la campagne 2019/2020 et, d’autre part, les perturbations des circuits de distribution induites par la pandémie de la COVID-19″

Rapport sur le commerce extérieur de l’UEMOA – 2020

L’effet Corona n’est pas à sous-estimer

« Les frontières sont encore fermées entre les pays, dans beaucoup de cas. Toutes ces mesures de restriction ont eu aussi pour effet de ralentir les échanges et de ralentir le flux des produits alimentaires »

Ollo Sib, conseiller régional du PAM, Les prix des denrées alimentaires flambent en Afrique de l’Ouest : inquiétude du PAM

La crise de coronavirus a laissé des séquelles à toute l’économie mondiale. Encore plus aux Etats africains, qui étaient déjà économiquement mal en point. La fermeture des frontières entre les Etats n’a pas favorisé la libre circulation des biens et des services. Beaucoup de produits importés des pays voisins, se sont rarifiés du fait de la réduction des échanges économiques. Et rappelez-vous, qui dit rareté des biens, dit inflation. Même l’économie domestique a pris un coup, indépendamment des échanges avec les pays voisins. Il faut évoquer ici, le ralentissement de l’activité économique, du fait des mesures restrictives de prévention au coronavirus. Bref, la COVID19 avait déjà commencé par gâter les choses. S’en est suivi l’embrouille avec le géant Nigéria.

L’embrouille avec le géant Nigéria

Les relations entre le Bénin et le Nigéria sont semblables à de véritables montagnes russes. L’économie béninoise dépend fortement du Nigéria. Mais, ce voisin devient embêtant pour le géant Nigéria, en raison de la contrebande, qui dérègle son marché. En août 2019, le Nigéria rompt ses relations commerciales avec le Bénin. Les effets de cette rupture se font ressentir durant les mois à suivre. L’absence de produits issus du marché nigérian provoque la rareté. Et rappelez-vous, qui dit rareté, dit inflation.

La patronne de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Ngozi Okonjo-Iweala a jugé la fermeture de la frontière Bénin-Nigeria « trop brutale ». Bien que les relations commerciales entre les deux voisins aient repris, il faut noter que la dépendance du marché nigérian reste palpable. Si les relations avec le voisin nigérian ont influé et continuent d’influent le niveau des prix, il ne faut pas non plus négliger le rôle d’un autre géant : la Chine.

Les fortes implications des chinois sur les marchés africains

Premier partenaire commercial du continent, la Chine a renforcé ces dernières années son influence sur les marchés africains. La Chine exerce une ruée vers les marchés Africains. Tous les moyens sont bons pour y accéder et gagner la bataille contre les produits locaux. Le capitalisme à outrance des chinois s’est mis en route en Afrique, avec des produits de qualité douteuse à bas prix. La conséquence est claire : le marché s’est déréglé. Les grands perdants sont les producteurs locaux qui n’arrivent pas à faire face à la concurrence déloyale que leur livre les produits chinois. Mais, jusqu’ici vous vous demandez certainement où intervient la rareté. Eh bien, en plus d’asphyxier les producteurs locaux par leur concurrence déloyale, la Chine importe un grand nombre de céréales.

Comme si la faible production céréalière ne suffisait pas, la Chine est venue ajouter sa volonté de tout rafler. Elle a importé 50 millions de tonnes de céréales en 2020-2021 contre ces 20 millions habituels. Cette forte augmentation de la demande chinoise a rendu les céréales rares sur le marché. Et rappelez-vous, qui dit rareté dit inflation. Le prix du soja a flambé et s’en est suivi les autres céréales : le maïs, le riz… Mais aussi la viande. Simultanément, la Chine a augmenté ses importations de 30% sur l’année 2020-2021. Mais aussi, elle a augmenté ses exportations de 20% sur la même période. C’est clair que les Chinois sortent gagnants de l’opération avec un excédent commercial important. Mais, l’Afrique ne s’en sort clairement pas dans l’affaire, même si les chiffres semblent être plutôt stables sur la période.

On voit donc qu’en plus de la faiblesse de la production céréalière, d’autres facteurs sont venus susciter cette inflation. On a évoqué entre autre la crise sanitaire, l’embrouille avec le géant Nigéria et l’implication de la Chine sur le marché africain en général. Une fois qu’on a identifié les causes, il faut esquisser des pistes de solutions. Car, il est clair que si les prix continuent de flamber, l’asphyxie ne tardera pas.

Comment résoudre cette inflation ?

Rappelez-vous, qui dit rareté dit inflation. Donc logiquement, pour faire cesser l’inflation, il faut accroître l’offre des biens et des services disponibles. Autrement dit, il faut produire plus. Qui dit production dit croissance. Alors que la croissance dans la sous-région stagne. Le taux de croissance est passé de +3% en 2019 à -3,2% en 2020 selon l’UEMOA. Concrêtement, la première mesure est d’encourager la production de biens et de services.

Il faut arriver à gérer la contradiction entre politique agricole et politique alimentaire.

Philippe Chalmin, économiste, Flambée des prix alimentaires : pourquoi l’Afrique de l’Ouest est au bord d’une crise majeure

Cette deuxième solution reste selon moi assez pertinente. Trouver des prix qui conviennent aussi bien aux producteurs, mais également qui permettent aux consommateurs de s’y retrouver. C’est le défi qu’on doit essayer de relever. A défaut de gérer cette contradiction, il faut clairement augmenter le pouvoir d’achat pour permettre de supporter les nouveaux. Aussi, il est important d’entretenir des relations commerciales saines avec les partenaires économiques. Cela passera par la lutte effective contre la contrebande dans le cas du Nigeria. Et par la détermination de certaines limites à la présence chinoise sur le continent. Reste à savoir si la dette de l’Afrique envers la Chine n’est pas un bâillon assez efficace contre toute tentative africaine de protectionnisme vis-à-vis de la Chine.

En résumé, il faut mettre fin à cette inflation. Ou donner les moyens aux consommateurs d’y faire en augmentant leur pouvoir d’achat. J’espère que cette question occupe l’esprit de nos dirigeants. Et que les mois à venir, nous pourrons observer une détente de la situation. En attendant, bon courage à tous.

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