Orelsan, une civilisation écologique et durable
Si vous êtes des habitués de ce blog, vous ne serez pas surpris si je vous disais que j’aime beaucoup le rap. J’en écoute beaucoup. C’est l’une de mes sources d’inspiration. Les paroles et le message véhiculé par les artistes m’intéressent beaucoup. Si je vous ai déjà parlé du droit et de la COVID vus par les rappeurs, je pense que je ne vous ai pas parlé d’écologie dans le rap. Je ne vous parlerai que d’Orelsan, l’une des plumes les plus pointues et les plus originales du rap francophone. Son dernier album « Civilisation » fait l’unanimité. Et ce ne sont pas les monstrueuses ventes qui me contrediront. Deux semaines après sa sortie, l’album est presque déjà double platine. (ndlr : article écrit le 10 décembre 2021). Rien que l’écrire m’impressionne. Le succès d’Orelsan est dû à deux éléments principaux. Le premier est la stratégie autours des rondelles de CD personnalisées pour chaque titre (je trouve que cette idée est géniale).
En dehors de cette stratégie du CD de Civilisation, ce qui fait aussi et avant tout le succès d’Orelsan, c’est bien sûr le son, la musique. C’est le plus important, je dirai. Si les disques étaient beaux et que les sons étaient inaudibles, cela se saurait assez rapidement je pense. Mais, il faut dire qu’il a réussi à aborder un certain nombre de thématiques dans un certain nombre de styles musicaux. L’une des nombreuses thématiques abordées est l’écologie. Dans cet article, je vous montre la place que l’écologie occupe dans ce projet d’Orelsan : Civilisation.
La pochette du CD annonce déjà la couleur
On peut voir sur la pochette de l’album Civilisation, Orelsan avec derrière lui un drapeau. Ce drapeau symbolise la nouvelle civilisation qu’il compte créer. Il a expliqué ce que ce drapeau signifiait pour lui. L’une des couleurs du drapeau est le vert. Il occupe un bon quart du drapeau. Ce vert symbolise selon Orelsan la nature, l’environnement. Car selon lui, il n’est pas possible de bâtir une civilisation sans tenir compte de la planète.
L’environnement, un sujet qu’il veut esquiver sans succès
Orelsan est un artiste rappeur dont les sujets de prédilection sont la loose. La loose dans sa vie, comme dans sa ville, Caen.. Il propose dans certains de ses morceaux des réflexions sur des sujets sociétaux. Mais, ce n’est pas ce qu’il préfère raconter. Dans le morceau Casseurs Flowters Infinity avec Gringe, il semble se moquer des thématiques qu’il aborde dans cet album : « la société et sa meuf ». Concernant l’environnement, il nous a fait entendre dans L’odeur de l’essence, le premier extrait qu’il a révélé quelques jours avant la sortie de l’album, qu’il ne s’y intéressait pas vraiment.
La panique les pousser à crier qu’la Terre meurt et personne en a rien à branler
Orelsan – L’odeur de l’essence
Personne, y compris lui même. Il continuera ce déni dans le morceau Manifeste, qui raconte une manisfestation.
J’suis pas concerné par la société, j’suis un putain d’artiste
Orelsan – Manifeste
Il rajoute même dans un autre morceau que sauver le monde n’est pas sa priorité. En fait, tout le monde peut sauver le monde. Il le dira dans la suite du même morceau. Ensemble, on pourra y arriver.
J’sais pas comment sauver l’monde et, si j’savais, j’suis pas sûr qu’j’le ferais
Orelsan – Civilisation
Quand il verra 2022, j’comprendrai qu’il s’mette à pleurer
Orelsan – Civilisation
Ils disent que tout va s’effondrer, qu’on va y passer dans trois degrés
J’pensais qu’la science allait nous sauver mais j’ai d’moins en moins confiance au progrès
J’sais même pas pourquoi j’pense à ça, j’y connais rien, qu’est-c’que j’y connais ?
Il passe son temps à remettre en cause sa légitimité pour parler de la planète. Et ce pour la simple raison qu’il fait partie du système, qu’il n’est pas victime du réchauffement climatique de façon concrète. Mais, cela ne va quand même pas l’empêcher d’utiliser ce même procédé pour dénoncer la crise climatique dans tous ses aspects, en tout cas ceux qui le touchent.
Le déni environnemental suffit – Orelsan se lance
Certains disent « c’est foutu », d’autres sont dans l’déni
Orelsan – L’odeur de l’essence
S’il commence par se désintéresser des questions sur l’environnement, il revient très rapidement à la charge en montrant finalement qu’il s’y intéresse. Les premiers à être tenus responsables de cette situation, ce sont les gouvernants.
Les jeux sont faits, tous nos leaders ont échoué
Orelsan – L’odeur de l’essence
Ils s’ront détruits par la bête qu’ils ont créée
La confiance est morte en même temps qu’le respect
Qu’est-c’qui nous gouverne? La peur et l’anxiété
On s’auto-détruit, on cherche un ennemi
Si on avait encore besoin d’une preuve de la coloration écolo de l’album d’Orelsan, il nous l’offre. L’ultime preuve que la question climatique est loin de le désintéresser, est qu’il y consacre un morceau entier. Et c’est la première fois que j’entends tout un morceau de rap sur ce sujet.
Un morceau spécial dédié à la crise climatique
Si la civilisation dont rêve Orelsan est écologique et durable, c’est aussi parce que cet album sert à dénoncer le modèle sociétal actuel. Il ne se prive pas de critiquer le capitalisme à outrance et la dégradation de la nature qu’il engendre. Orelsan dédie un morceau entier à cette problématique. Le morceau peint Orelsan dans une soirée, où on est sensé s’amuser. Pourtant, il ne fait que se rappeler des dégâts de notre civilisation sur la planète. Morceaux choisis.
Whisky coca dans un gob’let en plastique Qui finira peut être dans l’océan Pacifique Ou en particules toxiques dans l’organisme
Orelsan – Baise le monde
Il dénonce ici implicitement l’usage à outrance du plastique. Et surtout la pollution des mers. Des millions de déchets plastiques polluent les mers et les océans chaque année. Non seulement, cela représente un danger pour les espèces dont les océans sont le lit naturel, mais aussi pour nous les humains. Bon nombre de ces espèces sont consommées. C’est donc ainsi que des particules toxiques de plastique se retrouvent dans notre organisme. C’est de l’une de ces espèces consommées par les hommes qu’il parle dans les mesures qui suivent : la crevette.
Open bar, j’me sers un toast avec une grosse crevette
Orelsan – Baise le monde
Pêchée par un chalutier à l’Est de Madagascar
Qui détruit la barrière de corail sur son passage
Qui fait qu’les pêcheurs ont plus d’travail
Ils ramènent rien aux villageois qu’ont plus rien à graille
Vu qu’leurs crevettes sont d’vant moi
C’est la surconsommation des espèces naturelles qui est ici dénoncée. Une surconsommation au détriment des populations locales. Elles se retrouvent dépourvues de toutes leurs ressources naturelles, pendant que des industriels en profitent à l’autre bout du monde. Et cette critique d’Orelsan marche non seulement pour les crevettes, mais aussi pour d’autres ressources naturelles en Afrique : le bois, les métaux précieux par exemple.
C’est ma chanson préférée, ça parle de tuer des gens
Orelsan – Baise le monde
D’un type qui trafique la mort pour s’acheter des jantes
Pour un SUV qui consomme énormément
Pendant qu’la pollution fait quatre millions d’morts par an – Baise le monde
Ici, par contre Orelsan a sous-estimé le nombre de décès engendré par la pollution dans le monde. En 2019, une étude a avancé qu’il s’agit de 9 millions de morts. Le problème est donc beaucoup plus grave qu’on pourrait l’imaginer.
Un Indien payé deux euros par jour plante une graine
Orelsan – Baise le monde
Qu’il arrose de produits chimiques cancérigènes
Après six mois et beaucoup d’eau, genre huit mille litres
Ça donne un kilo d’coton qu’il expédie en Chine
Où c’est trié, lavé, tiré pour faire du fil
Dans une usine chinoise qui frôle l’esclavagisme
Le fil part en Turquie, il est tissé par les femmes
Horizontal, vertical, ça s’appelle du chaîne et trame
Direction la Roumanie, yeah, où des meufs se tuent pour fabriquer nos habits, yeah
Deux cents kilomètres jusqu’à la sérigraphie, yeah
Pour mettre le logo d’un designer méga riche, yeah
Qu’écoutent des mecs qu’ont payé une grande école
Qui réfléchissent à comment vendre cette merde à tes gosses
Comme ils ont pas d’idée, ils paient une star des millions
Pour mettre une affiche en boutique avec son p’tit nom
J’arrive dans la boutique en fin d’après-m’ et j’vois c’putain de survêt’, il est soldé
J’vais pouvoir flex à pas cher
Et putain, y a un mec dans la soirée qu’a l’même, ça valait pas la peine
C’est la description du système industriel, jonché de délocalisations que nous connaissons. La chute est tellement réelle. Toute cette pollution pour fabriquer des vêtements, qui ne seront portés qu’une ou deux fois et qui finiront dans la nature. En fait, je pense qu’Orelsan cherche à nous faire prendre conscience de l’ampleur du capitalisme à outrance. Et de ses conséquences sur la planète et sur l’humain (esclavagisme, santé dégradée, inégalités…)
Le refrain du morceau résume assez bien la façon dont nous vivons aujourd’hui. On dirait que nous nous sommes placés des oeillères. Du moment où nous avons résolu nos problèmes personnels ou individuels, c’est que tout est parfait.
Mentalité zéro lendemain, tout ira bien tant que mon verre est plein
Orelsan – Baise le monde
Ce qu’il faut retenir
Orelsan cherche d’abord à attirer notre attention sur les problèmes qu’il y a autour de l’environnement et de sa protection. Ensuite, il va proposer de nous unir, de nous écouter mutuellement pour essayer de construire une nouvelle civilisation. Car, seul il n’en est pas capable. Personne ne peut, seul, corriger la situation climatique, dont les enjeux sont aujourd’hui mondiaux.
C’est donc l’aspect environnement de l’album Civilisation d’Orelsan que j’ai voulu partager avec vous. De la pochette de l’album au morceau spécial environnement, on voit bien que ce sujet lui tient à cœur. J’ai déjà entendu des punchlines sur l’environnement, mais un album qui fait autant référence à la planète reste inédit pour moi. Si vous êtes fans d’Orelsan, dites-moi si vous avez, vous aussi, ressenti cet accent écologique à l’écoute. Sinon, n’hésitez pas à me dire si vous avez déjà entendu des artistes placer l’écologie au cœur de leur musique.
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