« Trop d’impôts tue l’impôt », au cas où vous l’auriez oublié

Article : « Trop d’impôts tue l’impôt », au cas où vous l’auriez oublié
Crédit: Iwaria
20 mars 2022

« Trop d’impôts tue l’impôt », au cas où vous l’auriez oublié

On a tous constaté la forte inflation des denrées alimentaires par les temps qui courent. Les raisons les plus évoquées sont la faiblesse de la production, les relations économiques déséquilibrées avec les partenaires commerciaux. L’une des raisons que l’on évoque moins, mais qui influe considérablement sur la hausse démesurée des prix est l’impôt. Les recettes fiscales constituent l’une des principales sources de financement du budget de l’Etat. Et il est évident qu’aucun Etat au monde ne peut se passer de la collecte de ressources fiscales. On ne peut pas donc demander aux Etats sous les tropiques de se comporter de la sorte. Mais, il faut relever que les voix s’élèvent de plus en plus sur les nouvelles taxes auxquelles les citoyens sont assujettis. L’exemple de la taxe sur les communications électroniques et la crise avec l’opérateur MTN Bénin en dit long. Comment ces nouvelles taxes influent sur le niveau général des prix ? Et surtout pourquoi ne faut-il pas exagérer dans le prélèvement fiscal ? Avant d’y répondre, intéressons-nous à la raison d’être de l’impôt.

Pourquoi il faut des impôts ?

La collecte de l’impôt fait partie des prérogatives étatiques pour financer l’action publique. En soi, l’impôt permet de construire les routes, d’assurer un minimum de bien-être social à toute la communauté. On comprend donc que l’exécution des dépenses étatiques dépend fortement de la masse fiscale collectée. Bien que nos Etats financent également les projets grâce aux emprunts, aux recettes non fiscales. Il s’agira par exemple des dividendes de l’Etat dans les entreprises dans lesquelles il possède des actions, des revenus issus de l’exploitation du domaine public ou des amendes. Mais, l’essentiel reste quand même l’impôt. Ils servent à financer les dépenses de l’Etat.

Et on ne peut que constater une augmentation de plus en plus grande des dépenses de l’Etat. En témoignent les dépenses à sensibilité sociale depuis 2016. Les dépenses de l’Etat dans les domaines de la santé, du tourisme, du transport sont en net accroissement. Elles devraient atteindre les 850 milliards de francs CFA en 2022 d’après les prévisions budgétaires. Ce qu’on doit comprendre par là, au delà de toute récupération politique, est qu’il faut financer ces dépenses. La principale source de financement de l’Etat étant l’impôt, il est clair que pour assurer ces dépenses, il faudra collecter plus d’impôts. Pour y arriver, deux méthodes seront utilisées par les autorités fiscales.

D’où viennent ces nouveaux impôts ?

Deux grandes méthodes ont été employées d’après moi par nos autorités fiscales. La première est l’amélioration du système de collecte des impôts. Il y avait un grand nombre d’impôts qui échappaient au système de collecte. La première technique a donc consisté à créer des mécanismes de collecte efficace de ces impôts. On pourra parler ici de la simplification du paiement de certains impôts. Grâce à la digitalisation du paiement de l’impôt, comme pour la taxe sur les véhicules à moteurs, payable depuis un téléphone portable. A cette mesure, il faut ajouter la naissance du système des factures normalisées, permettant aux services fiscaux d’avoir un regard plus poussé sur l’ensemble des opérations économiques assujetties à l’impôt sur le revenu des personnes physiques ou l’impôt sur les sociétés. La conséquence directe est un meilleur recouvrement de cet impôt. Et une lutte plus efficace contre la fraude à la TVA. Conséquence, on se retrouve à payer régulièrement les impôts qu’on ne payait pas forcément autrefois. Si bien que l’on se dit que les choses deviennent plus chères, alors que ce sont juste les impôts qui sont mieux collectés.

La deuxième méthode employée a consisté à créer de nouveaux impôts. On peut découvrir dans le code général des impôts 2021 ces nouvelles taxes. On peut citer la taxe sur les communications électroniques, qui a provoqué un tolet dès que MTN Bénin a essayé de la prélever. Il faut ajouter les taxes sur les activités financières (dans les banques notamment), sur les jeux de hasard, sur le séjour dans les établissements hôteliers, sur les produits pétroliers… Bref, il y a de nouveaux impôts. Et cela se ressent dans le quotidien. On comprend clairement que le financement de nos nouvelles dépenses à caractère sociales passe par ces nouveaux impôts dans les mêmes secteurs pratiquement. La taxe sur le séjour dans les établissements hôteliers est destinée à « financer le développement du tourisme ». C’est l’exemple-type de ces nouvelles taxes, dont l’objectif est de financer les nouvelles mesures sociales. A tout cela, il faudra ajouter la suppression de certaines exonérations fiscales comme sur la tranche sociale sur l’eau. Bref, ça pèse de plus en plus sur le citoyen.

Au delà de toutes ces nouvelles techniques de prélèvement fiscal, il est important de ne pas oublier que « trop d’impôt tue l’impôt »

Attention à ne pas ralentir l’activité économique à coup d’impositions

« Trop d’impôt tue l’impôt« . Cette célèbre citation, popularisée par l’économiste Arthur Laffer, semble être l’avertissement idéal pour les autorités fiscales béninoises. La théorie de Laffer est simple. Plus l’impôt est élevé, plus les ressources recouvrées baissent. Les citoyens cherchent de plus en plus à contourner les impôts. Ou du moins à contourner les opérations économiques imposées. Et cette réticence à interagir dans l’économie pour éviter de se faire taxer peut entrainer une véritable crise.

courbe de laffer trop d'impôts tue l'impôt

Bien qu’on en soit pas encore à ce niveau, il faut dire que si cette forte pression fiscale se poursuit, nous ne tarderons pas à nous retrouver avec des taux dissuasifs. Et la conséquence sera simplement la réduction des ressources fiscales de l’Etat. Ce qui bien évidemment réduira la marge de manœuvre en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, mais aussi les dépenses à caractère social, qui tiennent tant à cœur. On peut comprendre que financer autant de mesures sociales peut demander la mobilisation d’une grande quantité de ressources. Mais, il faut également comprendre que le citoyen souffre de ces nouvelles formes d’imposition.

« Tout l’art du bon gouvernement consiste à plumer l’oie de façon à obtenir le maximum de plumes, avec le minimum de cris »

Colbert

Les autorités fiscales doivent appuyer sur le frein des mesures fiscales, au risque de tomber dans le piège du « trop d’impôts tue l’impôt ». Il faudra stabiliser le niveau d’imposition sans que le coût de la vie ne prenne un coup considérable. La situation économique de notre pays en dépend fortement. C’est juste un rappel, au cas où vous l’auriez oublié.

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